La petite histoire

Je n’imaginais pas une seule seconde me retrouver parmi le peuple autochtone de Laponie, les samis à Kallak.

Ce matin là, de retour à Jokkmokk, après avoir subi l’effondrement de mon rêve de trek en Laponie, je me retrouvais face à un néant d’organisation. Alors, histoire de passer à autre chose et d’avancer, j’ai tendu le pouce à la sortie de Jokkmokk en direction du Nord.

3 voitures plus tard, le « destin » se met en route. Un couple de mushers suédois, Matti et Stina me prennent dans leur 4×4. Nous commençons à discuter, notamment de mes mésaventures qui déclenchent -évidemment- des barres de rire, jusqu’à ce qu’ils me disent:

Nous allons au camp de Kallak, pour protester contre l’exploitation de mines sur des territoires occupés par des samis, le peuple autochtone de Laponie.

Ni une, ni deux, je repense à l’implication de l’ami Léon du blog Keep Calm and Have A Krisprolls sur ce qui faisait l’actualité du moment en Laponie au mois d’août dernier. L’idée d’y aller me vient immédiatement à l’esprit.

Ah oui j’en ai entendu parler via un ami. Emmenez-moi, je veux voir ça !

Ils explosent de rire face à cette spontanéité mais c’est avec plaisir que l’on aborde cette discussion épineuse tout le long du trajet. Kallak est accessible par plusieurs pistes forestières, non loin de Jokkmokk.

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Le camp de Kallak, le coeur des revendications du peuple autochtone des samis

Dès notre arrivée, le décor est posé. Une cinquantaine de manifestants, essentiellement des gens du coin et des samis, peuple autochtone de Laponie (voir ici) sont pacifiquement dispersés autour de la piste forestière, dans des tentes ou des abris de fortune. Quelques mètres plus loin, derrière un mur virtuel et symbolique, se tiennent des policiers.

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Rapidement, Matti et Stina vaquent à leurs affaires tout en m’introduisant à quelques personnes. Les discussions sont brèves, les manifestants préférant rester sur leurs réserves et s’exprimer par différents moyens d’expression artistiques plutôt que dans des grandes étendues verbeuses.

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Progressivement, je tente d’amorcer quelque peu le dialogue, pour écouter et comprendre. Un sami au bord des larmes explique, désemparé:

Comment allons nous faire avec nos rennes ?

Car c’est bien de ça qu’il s’agit: le camp de Kallak a été formé dans le but de protester contre la construction d’une mine en pleine zone historiquement exploitée par le peuple autochtone des samis. Ils y élèvent de manière traditionnelle des rennes et ne demandent juste qu’à être respectés. Le soutien du gouvernement suédois ayant toujours été en filigrane, ils ont commencé à s’indigner lorsqu’une compagnie minière britannique, Beowolf Mining a décidé d’installer une mine. A Kallak donc, sans que le gouvernement ne s’y oppose ou même, n’amorce un dialogue. Et à terme, personne n’est vraiment optimiste quand à la réelle protection du dernier « wilderness » d’Europe.

Ce sont juste les faits, tels que compris, que je tente juste de relater.

Etant donné que les dernières semaines, l’opposition à commencé à prendre l’ampleur, la télévision suédoise est présente pour interviewer, entre autre des samis:

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De temps à autre, des camions servant à la construction de la mine font un passage. Alors, les policiers, inlassablement débarrassent tout ce qui gène à la circulation, y compris des manifestants se mettant par terre. Ils se font trainés sur le côté, avant d’être relâchés. Éventuellement un peu trop virulents, ils sont embarqués dans un bus. C’est le cas d’un italien en voyage avec sa copine, qui apprenant le contexte ont décidé de venir s’installer. Elle, libre, relate les faits tout en masquant son inquiétude car ils sont censés rentrer dans quelques jours en Italie. Ce ne sont pas les seuls étrangers présents.

Enfin, une jeune suédoise, venue de Stockholm, étudiante en sciences politiques en pleine prise de conscience se voit dorénavant mal travailler pour le compte d’un gouvernement autorisant ce genre d’exactions.

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Mais plus que la présence policière, dégageant d’un coup de main et sans ménagement tout ce qui dérange, c’est la présence d’un éternel respect de l’autorité qui surprend. Les discussions sont nombreuses, la manifestation est réellement pacifique: jamais le mot « violence » ne vient à l’esprit.

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Les policiers d’un côté, les manifestants de l’autre, sans aucune animosité. Pourtant, Matti cède:

Des fois, on devrait faire comme vous les français. Se révolter, se rebeller, vraiment. Parfois, quand le dialogue ne fonctionne pas, il faut aller plus loin.

Un de ses congénères le rattrape:

La violence ne mène à rien, Matti.

L’illustration de ce respect de l’autorité prend encore plus de sens, lorsqu’un manifestant, copieusement trainé par un policier quelques minutes avant, se retrouve à discuter avec ce même policier, sourire aux lèvres. Et quelques minutes plus tard, les deux hommes se serrent la main.

Les manifestants espèrent qu’un jour, le gouvernement saura les écouter. Ils comptent aussi sur les gens, pour relayer l’information dans les médias. C’est pour cela que j’ai tenu à rédiger ce billet, même s’il intervient des mois et des mois plus tard.

Pour témoigner.

Giitu (merci en sami).