Pour ceux qui ont l’occasion de me fréquente notamment dans le milieu du voyage, je suis atteint de surdité. Plus précisément, je porte un appareil auditif à l’oreille droite tandis que l’oreille gauche ne capte rien du tout. Cela a pour conséquence que tout mon système d’écoute repose sur l’association appareil auditif/oreille droite/cerveau.

Bye bye la stéréo, bye bye la localisation spatiale d’un son (je fais souvent le tourniquet quand on m’appelle dans le dos) et bye bye le filtrage d’une voix vis à vis d’un son de fond. Tout est au même niveau.

Globalement, plus les gens parlent en face, plus facile c’est. Ça se complique nettement à plusieurs personnes (qui ne sont pas tous en face), puis devient impossible au delà de 5/6 personnes, sans compter le bruit ambiant qui fait que bien souvent, je n’entends que mon voisin de droite.

Il faut aussi prendre en compte la capacité à lire sur les lèvres (ce qui n’est pas mon point fort) AINSI que celle des gens à parler avec une voix portante et articulée. L’accent y joue aussi. Par contre une voix forte ne sert à rien.

Enfin, j’ai suivi durant ma scolarité des cours d’orthophonie pour améliorer la communication et acquérir des techniques pour compenser ce que l’oreille n’a pas entendu: le cerveau s’occupe donc de jouer au texte à trou selon le contexte, les personnes présentes, ce qui a été précédemment dit etc… Il n’est pas rare que je ne comprenne pas ce qui a été dit sur le champ mais seulement quelques secondes plus tard le temps que le cerveau décrypte et fasse son travail !

Tout cela marche à peu près bien, dans ma langue maternelle: le français

Si vraiment c’est difficile, alors je fais semblant de suivre et en général personne ne remarque rien (ou alors il faut bien me connaître ^^). Une youtubeuse sourde caricature assez bien les échanges entre les mondes entendant et non entendant dans cette vidéo.

Mais alors la surdité en voyage, comment ça marche ?

Très souvent en voyage, le paramètre qui change est la langue: principalement l’anglais.

Or les techniques citées précédemment ne fonctionnent plus car je n’ai jamais eu à m’en servir en anglais auparavant ce qui complique les choses ! Avec des européens parlant anglais et dont ce n’est pas leur langue d’origine, en général pas de soucis. Leur débit est lent, l’articulation plus prononcée ce qui laisse le temps de comprendre.

Mais avec un natif, c’est nettement plus corsé !

C’est ainsi qu’une fois arrivée en Australie, j’ai mis au moins 2 semaines pour à peu près bien comprendre ce qui se disait dans les situations de base. Seulement, pendant ce laps de temps, à force de mouliner pour compenser ce que l’oreille n’avait pas entendu, le cerveau se fatiguait. Bilan: je dormais beaucoup les premiers temps pour récupérer. Et cette fatigue impactait directement sur mon propre niveau d’anglais. En gros, plus j’entendais et comprenais, mieux je parlais.

Une fois cette période passée, quand il s’agissait d’une conversation face à face dans un milieu calme, pas de problèmes. Lorsqu’il s’agissait de discussions plus approfondies, la limite venait souvent des accents, intonations, clartés de la voie. A chaque personne rencontrée, il me fallait recommencer à 0 à chaque fois ou presque pour m’habituer à une nouvelle façon de parler. Les conversations à plusieurs étaient quasi impossible à suivre. J’ai ainsi loupé plein de rencontres intéressantes et n’avais pas toujours l’énergie pour sociabiliser.

J’ai eu à passer des coups de téléphone en anglais et pour être honnête, ce ne fut vraiment pas évident. En général, je les évitais pour les préférer aux textos. Heureusement donc que je n’ai pas eu à chercher de travail ou de logement.

Ensuite, comme je me déplaçais principalement en auto-stop, les conversations se faisaient souvent dans un milieu bruyant ce qui compliquait bien évidemment la chose. Cela pouvait être un vrai bonheur de comprendre parfaitement ce que disait mon interlocuteur et alors une longue discussion s’engageait. A l’inverse, la communication pouvait être malheureusement impossible à force de faire répéter sans succès et je faisais “semblant” de comprendre jusqu’à cela se termine.

Je me souviens très bien de mon dernier lift d’auto-stop vers Christchurch. Un américain n’articulant pas pour un sou m’avait pris et je ne comprenais rien de rien. Et dire que cela faisait 6 mois que j’étais en territoire anglophone ^^

Le dernier point et le plus frustrant pour moi, était au bout de 6 mois, mon incapacité à suivre la télévision, ou de comprendre les messages sonores, cela allait toujours trop vite (même en français, je ne comprends pas toujours).

Au final, j’ai bien plus progressé l’anglais parlé, lu que l’oral où je me suis senti véritablement limité.

Conclusion

Même si j’ai pu constaté les bienfaits de l’orthophonie pour la langue française, il aurait fallu idéalement en faire de même pour la langue anglaise afin de faciliter les choses. J’ai donc du à partir de 0, utiliser des nouvelles techniques pour compenser l’audition: savoir un peu lire sur les lèvres en anglais, intégrer les structures de phrase basiques et enrichir mon vocabulaire pour le fameux texte à trou.

La surdité que cela soit en voyage ou dans la vie courante est un handicap (il n’y a pas que les chaises roulantes) assez traître car il n’est pas “visible” du premier coup. Du coup, en France les gens considèrent que tout va bien‚ sont assez indifférents et du coup ne font que rarement les efforts nécessaires pour s’adapter. Ceci est encore plus vrai avec les sourds ou la communication orale n’est pas possible.

C’est pour cela que j’ai réellement apprécié l’ouverture d’esprit et la tolérance des australiens et néo-zélandais à ce sujet. Quand je leur demandais de répéter, ils s’y appliquaient autant de fois que nécessaire. Ils comprenaient, savaient s’adapter en conséquence et le “no worries” était de sortie.

Vous êtes sourd ou malentendant, quel est votre retour d’expérience de la surdité en voyage ?