Même si ces aspects avaient été sous entendus dans le billet relatant l’autopsie du voyageur 1 an après, je n’avais jamais vraiment évoqué qu’est ce qu’apporte le voyage, ne serait-ce que dans la manière d’aborder le quotidien au retour.
Tout récemment, j’ai revu une amie de longue date, qui de manière spontanée dit les bonnes choses à entendre. Elle m’a sorti texto:
Ça se voit que ton voyage t’a marqué. Tu transpires la liberté, un « autre » chose. Il y a un avant et un après.
Il m’arrive de tomber sur des articles de blogs parlant de ce que le voyage a changé en leurs auteurs, mais très souvent, il s’agit d’un ressenti à chaud, immédiat, publié quelques semaines après. Or, des ressentis durables, ayant un réel impact se font rares. Dès mon retour, j’avais bien évidemment remarqué plusieurs changements en moi mais j’attendais de voir s’il s’agissait vraiment d’une vraie empreinte ou si les « habitudes » anciennes allaient reprendre leur cours.
Nombre voyageurs reviennent complètement transformés de leur grand voyage au point d’opérer des changements radicaux dans leur vie (travail, ville, amis, etc…). A l’inverse, d’autres ne sont que peu impactés par leur grand voyage. Peut-être plus hermétiques à leur vécu, ils reprennent leur vie en s’inspirant de la précédente. Mais je crois que la majorité du lot des voyageurs se situent entre les deux extrêmes. Et c’est là dessus que je vais intervenir dans cet article.
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Qu’est ce qu’apporte le voyage en 10 points
Loin d’en tirer une généralité et à partir de mes propres observations (mais pas que), je vais tenter de brosser des traits de caractère, philosophies de vie qui peuvent dorénavant coller aux basques d’un voyageur.
1. La difficulté de se projeter et de s’engager
Auparavant, je planifiais beaucoup mes activités et sorties selon un agenda bien calibré. Tel jour, ceci, tel jour, cela. Jamais à l’arrache, toujours à temps. Il y avait de la place pour de l’improvisation mais que faiblement. En ayant apprécié de voyager au jour le jour pendant plusieurs mois, il m’est difficile maintenant de me projeter et de m’engager, même à moyen terme. Là ou je veux en venir, c’est que pendant ce voyage, je me suis rendu compte qu’on avait trop facilement une vie réglée par plein de contraintes. Bordel, déjà qu’au travail, tout est calibré, alors si on s’en rajoute en dehors, ça devient encore plus compliqué. C’est ce que j’ai voulu rééquilibrer: mettre plus de souplesse dans ma façon de m’organiser, marcher plus au feeling.
2. Le détachement matérialiste
Je peux vous lister ce que j’ai fait comme achat matérialiste depuis mon retour: un smartphone (l’ancien a rendu l’âme), des vêtements soldés, des chaussures de sport, 2 jeux de société, un BZ pour faire office de lit et un réfrigérateur pour la colocation. Avec moins de 10kgs dans le sac à dos de 50L, je me suis rendu compte que même si le matériel est nécessaire, on peut se passer de beaucoup de choses. Je me rappelle très bien de la crise vécue lorsque j’ai vu toutes mes affaires à mon retour. Je n’arrivais pas à les ranger et y avait mis un bordel ! Pauvre bonhomme que j’étais habitué à son sac à dos, bien rangé ! Mais vous voyez, mon vieil ordinateur de 6 ans vient juste d’être changé, il n’en pouvait plus.
3. Dormir n’importe où
C’était déjà un peu le cas avant, mais pour avoir expérimenté deux nuits consécutives sans lit (une nuit dans un ferry, plus une autre à l’aéroport), je ne m’inquiéterai plus jamais pour trouver un endroit où dormir. Ou du moins, trainer dans les rues à défaut. Ensuite, peu importe la qualité ou le confort, un bon matelas ou un bout de canapé suffit ! Les diverses expériences Couchsurfing permettent d’assouplir ses exigences pour le sommeil ! Il n’y a pas de place à l’intérieur ? Prêtez moi une tente et un duvet, et c’est réglé ! Mais si ça peut être un bon matelas c’est mieux.
4. La conscience tranquille
Je peux vous l’avouer: ce long voyage était comme un accomplissement et quelque chose de très important à réaliser. Je l’ai fait. Les souvenirs plein la tête me poursuivront toute la vie. Comme si un seuil maximal avait été atteint. Bien sur que j’ai toujours envie de voyager mais ce n’est plus comme avant. D’autres expériences et aventures m’attendent bien en dehors du voyage. Il se pourrait même que le voyage ne fasse plus partie de mes priorités. Mais au moins, j’aurai toujours ces souvenirs et cette conscience tranquille. Ce n’est pas donné à tout le monde d’avoir vécu son rêve. Et il y a en peut-être d’autres qu’il me tarde de réaliser !
5. La sérénité face à l’avenir
Ce n’est pas compliqué, je regarde beaucoup moins l’avenir, source d’anxiété. Vivant plus au présent au gré des opportunités, je tente de rebondir après un échec dans l’entreprise qui m’a recruté à mon retour (pour information, j’ai demandé à partir). Tout est possible et il est difficile de s’en rendre compte pour quiconque n’ayant pas eu à quitter ses repères. Oui, le fameux « j’aimerais mais oh non patati patata ce n’est pas possible ». C’est con ce que je vais dire mais: quand on veut, on peut. Quand on bosse, on y arrive. Mais pas tout seul. C’est comme en voyage. Les opportunités arrivent grâce aux autres et c’est à vous de les intercepter. En ayant cette expérience de « flairer » les bons coups en voyage, je me sens plus serein vis à vis de l’avenir.
6. Désintoxication télévisuelle
Pendant de longs mois, les coups d’oeil aux télévisions ont été extrêmement rares. Bien que je ne regardais pas beaucoup la télévision auparavant, elle m’intoxiquait rien que par le fait de regarder les journaux télévisés et quelques autres émissions le temps du repas par exemple. Malheureusement, elle avait sur moi des effets très pervers comme celui de me faire peur et de générer des idées reçues. Heureusement, ces mois de sevrage sont devenus une habitude qui m’a permis de retrouver une certaine innocence et curiosité face au Monde. En rentrant, j’avais tout simplement envie de continuer. Hors de question de voir quelconque JT. Tout se passe sur le Web avec de multiples sources d’information que je choisis.
7. On ne vit qu’une fois
En menant ce projet de voyage à bout avec tout ce que cela implique, c’était prendre un risque dans ma vie, au lieu de rester dans mon confort bien établi. Pour moi, il est nécessaire de prendre des risques, d’expérimenter, d’apprendre. Sans cela, on se pétrifie. Doucement, mais surement. Et c’est en prenant des risques qu’on devient libre de notre vie et de nos choix. Avec prudence et calcul bien sur. Et je ne parle pas uniquement du voyage. Une fois qu’on a fait ce cheminement initial, il est plus facile d’oser de nouveau, dans d’autres domaines: se reconvertir comme je l’envisage, s’installer dans un pays, monter son entreprise ou tout simplement fonder une famille. En somme, bien d’autres voyages. Au pire, qu’est ce qu’on risque, surtout en France ? D’avoir essayé.
8. Le manque des grands espaces
Après avoir passé 7 mois dans des pays ayant une densité très faible, la réinstallation en région parisienne a été plutôt rude. C’est effectivement un des échecs de mon retour en France. Je ne peux plus habiter par ici, malgré que je sois basé à Versailles, ville très agréable. C’est tout simple: transports bondés, stress maximal par les stimulis (bruit, visuel, olfactif), le béton qui sur-domine tout et un sentiment d’écrasement face aux immeubles se serrant les uns aux autres. Bref c’est simple, moins je vais à Paris, mieux je me porte. Enfin, lorsque je quitte le béton des villes pour me retrouver en campagne ou en montagne, le même sentiment domine: cherchant à retrouver les vrais grands espaces, je finis toujours par trouver des signes de civilisation.
9. Du laisser-aller
Autant avant, je pouvais être strict avec moi-même sur un certain nombre de sujet, autant maintenant j’y accorde beaucoup moins d’importance. Le voyage est venu relativiser la notion de confort. Je change de fringues quand j’en ai envie (et pas juste car il faut les changer), je regarde mes comptes en ligne de temps en temps et ne tient plus de comptes, j’oublie plein de choses partout (brosses à dents, gel douche), une pile de papiers traine sur une étagère en attendant d’être traité et rangé, la vaisselle est faite quand c’est vraiment nécessaire, le ménage est fait irrégulièrement, le frigo n’est pas vraiment rempli et je ne tiens pas vraiment d’agenda. Pour résumer, je fais les choses sur coup de tête et je hais toute procédure ! Cet article en est un bon exemple.
10. L’égoïsme et l’altruisme en OU exclusif
Alors ce point est un peu particulier car il parle de deux valeurs diamétralement opposés mais qui ont beaucoup de sens pour moi. Ce long voyage a été profondément égoïste pour moi. Partager mon voyage au retour avec famille et amis ? Sincèrement, qui s’en préoccupe vraiment ? Qui peut comprendre ? Voyager seul pendant 7 mois a durci mon caractère déjà très indépendant et j’avoue ne peu prendre l’initiative d’associer des personnes à mes envies. Je fais facilement les choses seul sans me poser de questions. En revanche, ayant été accueilli et aidé admirablement, je m’efforce d’en faire de même pour rendre la monnaie de la pièce: à mon retour je me suis engagé comme bénévole à la Croix-Rouge. Faire confiance, aux gens me semble plus naturel.
Je me retrouve dans presque tous ces points, sauf les grands espaces, car je reste aussi une grande amoureuse des villes et dans le ménage (hahaha, on ne se refait pas), mais ouf dans une semaine je n’aurais plus que mon sac à dos à nettoyer!
Article très intéressant, il faudra que je fasse ça un jour, c’est bien de se poser et de réfléchir, même si je vois bien au quotidien à quel point j’ai changé.
Il te reste 1 semaine pour le faire 🙂
Et tu pourras comparer avec plus tard avec ta vie nomade !
Article véridique ! Je me reconnais dans tous les points, sauf comme pour Lucie pour les grands espaces. Disons que j’aime les grandes villes mais ressent désormais le besoin d’y sortir de temps en temps.
Par contre bcp trop de laisser aller de mon côté… Ce qui n’est pas forcément positif mais ça se travaille.
J’aime bien les villes QUAND on peut s’y échapper facilement 🙂 Une forêt à proximité, un grand parc pour se promener et pas 36000 kms de centres commerciaux qui se suivent pour sortir de l’agglomération. Aussi, des immeubles pas trop haut, des gens pas trop speed de partout, des rues larges où on a la place de passer et éventuellement de rouler à vélo.
La taille de Nantes d’où je suis originaire me paraît être un bon compromis. Lyon, ça se fait aussi mais tout dépend d’où tu habites. J’ai habité à Copenhague (1M d’habitants) c’était très bien aussi. Mais Paris alors là, non. Tu vois, je viens de regarder sur Wikipedia, Londres, Madrid, d’autres grandes capitales européennes ont une densité de population autour de 5000 habitants/km² contre 21000 à Paris.
Tout est dit.
Quelques points communs et pas mal de différences. 🙂
Moi aussi je suis devenue accro aux grands espaces et à la lumière naturelle. Personnellement je me suis découverte une passion pour les langues et les situations interculturelles. Jaepprécie d’avantage l’effort physique et suis sans doute « mieux câblée » sur mes besoins physiques.
Par contre je pense avoir acquis une nouvelle forme de rigueur de gestion personnelle (les ruisseaux font les rivières), doublée d’une plus grande endurance dans l’effort, pas que physique.
Très bon article Manu. 🙂
Par « grande endurance dans l’effort, pas que physique » je crois comprendre mental dans le fait de s’accrocher à un objectif et de pas se dire « j’y arriverais pas, je laisse tomber » ?
Si oui, effectivement le voyage nous apprend cela aussi 🙂
Article hyper pertinent Emmanuel !
Comme toi on constate pas mal de changements radicaux par ici…Je suis d’accord avec pas mal de point abordé dans ton article, c’est presque flippant de ressemblance !
Je pense que l’on développe plus de sérénité comme tu dis, mais aussi plus d’optimisme. On trouve toujours une raison à ses échecs qui nous permettent de rebondir et d’avancer avec toujours des projets (pro ou perso) pleins la tête.
À bientôt !
Flippant de ressemblance ?
Aurai-je pondu un papier sur la sociologie du voyageur à son retour ?
Certains points me causent oui, mais c’est marrant parce que je ne considérerais plus forcément maintenant qu’ils sont une conséquence de mon année de balade. Il faut dire aussi que ça remonte à 2000 (bah oui, j’suis vieux 😉 )
J’aurais tendance à croire que ça a affirmé des traits de caractère qui étaient déjà plus ou moins en moi.
Je n’ai jamais été très matérialiste, mais il est vrai que je le suis aujourd’hui encore moins.
L’organisation, c’est vrai que j’étais quelqu’un de plutôt organisé. Certains déploreront aujourd’hui que je ne sache plus trop conjuguer ce verbe au présent :-/
Le truc qui m’avait vraiment changé et dont j’ai souvenir moi, c’est la nourriture. Je mange beaucoup moins de viande depuis. Après 4 mois en Inde où j’avais mangé 0 gramme de viande, j’ai réalisé que je pouvais sans peine diminuer ma ration de barbaque !
Que le voyage ne fasse plus partie de mes priorités, par contre, ça ça n’a pas marché, je dois être au fond encore beaucoup trop jeune 😉
Tu as raison, certains traits de caractères commençaient déjà à s’affirmer avant de partir.
Par contre à force de te lire, je te connais un peu, et je me doutais bien qu’une pointe d’organisation avait existé un jour dans ton caractère 😀 Je ne saurai l’expliquer mais c’est du feeling 😀
Après plus de 15 mois sur la route, je me retrouve pas mal dans ton article.
Les changements ne sont pas forcément flagrants lorsque l’on rentre de voyage, mais de toutes petites choses peuvent énormément modifier notre manière de vivre le quotidien !
Je me retrouve dans tout les points que tu mets en avant… Surtout le manque de grands espaces… Je me suis sentie vraiment étouffée à Rennes ! ^^ Et l’ambivalence entre égoïsme et altruisme. J’essaie de rendre le quart de la moitié de ce que certains ont pu nous offrir sans rien demander en retour. Mais je ne compte plus sur l’approbation des autres pour me rassurer dans un projet ou une envie. Sans être du chacun pour soi, chacun sa m*rde, le voyage permet aussi de monter de quoi on est capable, seul.
Ca permet d’acquérir une certaine sérénité je trouve, surtout quand on part à la rencontre d’autres cultures qui sont complètement différentes de la nôtre. Une maturité aussi qui est peut être plus longue à acquérir sans ce « dépassement » de soi, de sa zone de confort.
Mais je ne compte plus sur l’approbation des autres pour me rassurer dans un projet ou une envie. Sans être du chacun pour soi, chacun sa m*rde, le voyage permet aussi de monter de quoi on est capable, seul.
C’est intéressant ce que tu dis.. Je me rends compte que j’attends « faussement » encore quelque chose d’autres personnes. Surement par attente de validation pour qu’on me dise « c’est bien brave bonhomme » alors que dans le fin fond de moi, je sais très bien que je suis tout seul à gérer, que les gens n’en ont rien à foutre tout autant que moi (pour être vulgaire). J’ai fini par migrer récemment de la région parisienne en Savoie, déjà pour être plus près d’espaces naturels mais aussi par rapport à un nouveau projet de vie.. J’ai « laché » mes amis de Paris qui disent qu’on se reverra etc .. Mais au fond de moi, j’y crois pas un clou, ou du moins quelques temps… Cela n’empêche pas que je ferais l’effort de maintenir, mais comme j’ai souvent bougé dans ma vie, je sais ce que ça a pu donné.
Anyway, rien ne m’empêchera de faire mes projets, mon déménagement en est la preuve alors qu’avant le seul truc qui m’en empêchait c’était ça: le cadre rassurant et structurant des amis et d’autres repères établis
Là il faut tout reconstruire, mais comme je déteste l’immobilisme, je préfère reconstruire 1000 fois, pouvoir et savoir m’adapter plutôt que d’avoir cette impression de mourir à petit feu !
Merci de ton passage !