Après 2 jours de balade à Moscou en guise d’introduction, nous piafons d’impatience avant le “vrai” voyage en train en Russie dans le Transsibérien.
Exploit technique du siècle dernier, car tenez-vous bien, cette ligne porte sur plus de 9000 kilomètres dans sa totalité entre Moscou et Vladivostok que le “Rossiya” le train le plus rapide met près de 7 jours à relier. On dit aussi que vivre le Transsibérien c’est s’exposer directement au contact de la population russe, sentir petit à petit l’influence européenne s’évaporer au détriment de l’Asie, ainsi que percevoir la grandeur presque infinie de la Russie.
Alors quelle va être notre “expérience” ? Quelles rencontres allons nous faire ? Car il s’agit bien de cela que l’on veut: s’immerger parmi les russes.
Lorsqu’avec mon compère Toma, nous avons eu l’idée d’aller en Russie, le voyage en Transsibérien s’est naturellement imposé. Personnellement, j’adore les trains: deviner d’où viennent et ou vont les gens, voir les paysages défiler, sentir la progression, le mouvement. Mais jusqu’à présent, aucun voyage n’était à ce point comparable à ce qui allait nous attendre.
Rendez-vous compte: près de 87 heures dans le même train (le 044 pour être précis) pour près de 5100 kms entre Moscou et Irkoutsk, au bord du lac Baïkal ! Sans compter les 5 heures de décalage horaire !
Le choix de la classe fut difficile: privilégier son confort personnel au détriment du coût et de la vie d’un dortoir d’une 3ème classe en étant en 2nde classe, ou au contraire, privilégier le côté “roots” en étant directement au contact de la population même si quelques inconvénients comme le bruit et un confort moindre peuvent apparaître. Après des discussions et face à notre envie d’en découdre avec la population russe, la classe plastkart (3ème) s’imposa naturellement moyennant 190€.
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Le voyage en train russe au départ de la gare de Yaroslavsky à Moscou
Le train 044 part à 00h35, cela permet d’économiser une nuit de sommeil. Nous avons bien retiré sans aucune peine nos billets la veille et avant de venir, quelques emplettes ont été nécessaires afin d’être certain de ne pas avoir le ventre vide en plein milieu de la Sibérie.
Nourriture de base: soupes, thé, charcuterie, fromage, biscuits secs, quelques fruits et autres laitages. Dans chaque wagon du train, un samovar délivre en permanence de l’eau chaude et donc de surcroît potable !
C’est avec impatience et l’envie d’en découdre que nous débarquons à la gare une bonne heure avant le départ.
Nous nous asseyons sur des sièges tandis que d’autres voyageurs sont déjà là. Je m’amuse à les observer en me demandant leur destination, ce qu’ils font dans la vie. Puis enfin l’heure est venue, le train est affiché et un grand attroupement se forme en direction du quai n° 3 (et ARGHHH la russe qui gâche ma photo pour laquelle j’ai pris 1 minute à cadrer ^^)
Avant de monter dans le wagon, nous devons montrer patte blanche à notre couple de providnik/providnitsa (masculin/féminin) qui sont chargés de gérer les commodités des 54 personnes du wagon ! Nous nous installons enfin et découvrons les visages de ceux qui nous accompagneront pendant au moins quelques heures.
Premier ressenti: eh bien c’est glacial, sauf Tanya, une babouckha (comme elle se surnommera elle-même ^^) qui semble très sociable, car elle tente direct de négocier un changement de lit avec Toma (pour être en bas au lieu d’en haut).
Et c’est parti pour 87 heures de trajet incessant, nous tardons pas à nous endormir après une journée bien active.
Le voyage en train en Russie : 5100 km entre Moscou et Irkoutsk en Sibérie
Les premières heures après le réveil se passent lentement et très rapidement on en vient à se demander: comment pouvons nous nous occuper ?
Car en effet, les paysages donnent l’impression de vraiment rester dans le même pays, puisqu’ils ne changent quasiment pas durant au moins 3 jours. Les variations sont les suivantes: des forêts, des champs, de temps en temps un village avec des isbas en plus ou moins bons état, à nouveau des champs, une ville pour laquelle le train fera une pause de plusieurs minutes laissant la possibilité aux voyageurs d’aller faire quelques courses ou à minima de se dégourdir les jambes…
Ce n’est vraiment qu’à partir de Krasnoiark, soit après le KM4000 que les choses changent avec des montagnes, des lacs..
Alors les gens s’occupent comme ils peuvent par exemple en regardant inlassablement les paysages:
ou en dormant:
ou en discutant, jouant aux cartes, regardant des films, écoutant de la musique, en faisant des mots fléchés ou mieux encore, en buvant des litres de thé (tous les russes en boivent !!) :
Une fois dans le train, les gens se mettent à l’aise: survêtement flashy de rigueur avec claquettes pour tout le monde !
Au fur et à mesure du trajet, nous sentirons le temps se ralentir et serons nous-mêmes étonnés d’avoir bouclé nos sacs et totalement prêts et ce deux heures avant notre arrivée ! Nous aurons remarqué la même chose pour tous les autres passagers… Il faut bien dire que les voyageurs en général ne restent pas tellement plus d’une journée ou deux dans le train. Faire un Iekaterinburg – Novosibirsk soit 1613kms et 24 heures de train pour les russes est l’équivalent de notre bon vieux Paris – Lyon en deux heures ^^
Les arrêts dans les gares font du bien: ils permettent de prendre l’air, de se dégourdir les jambes, même si on voit sensiblement les mêmes choses: des trains et des trains !
Attention aux photographes, les policiers veillent et certains un peu zélés peuvent même demander de le ranger (testé et approuvé ^^). Sur les quais, on peut aussi observer les reflets d’une micro-société se formant dans les gares, que cela soit par du “troc” entre amies russes:
ou encore par la vente de nourriture directement sur le quai:
parfois tenus par des babouchkas curieux de notre présence et se demandant ce que l’on fait ici en pleine Sibérie!
En réponse, quelques mots de russe appris sur le tas: Байкал, красивый, спасибо, до свидания. Pour se faire comprendre dans nos requêtes, quelques mots similaires à d’autres langues slaves (serbo-croate ou encore le polonais): мясо, вода ou encore l’indispensable: пиво (charge à vous de trouver les traductions ^^).
Cela dit, si vous loupez une gare pour cause de sommeil, il est tout à fait possible de se rattraper avec les allées et venues incessantes des marchandes ambulantes à l’intérieur du train. Et on peut même acheter un iPhone. VERIDIQUE !
Un voyage en Transsibérien : à la rencontre des voyageurs russes
Nous avions un objectif en prenant le train en 3ème classe: il s’agissait d’arriver à discuter avec les russes et ce malgré notre niveau très limité. Cela a mis du temps, mais finalement, grâce à Tanya (la même que citée plus haut), cela a été une belle réussite. Il faut le dire, nous avions préparé le coup, des bonnes âmes nous ayant donné quelques bons plans:
- prendre avec nous des photos de famille à montrer;
- prendre un jeu de cartes;
- avoir de quoi offrir à manger.
Parlons de Tanya, une des russes les plus sociables du voyage ! Grand-mère, on la voyait sans cesse discuter avec tout le monde. Ça se voyait, elle avait envie d’en savoir plus sur ces jeunes voyageurs occidentaux mais nous étions tous bloqués par la langue. Puis un déclic arriva, je ne sais plus comment, et ce fut le début d’une grande partie de rigolade !!! Toma parlant le polonais arrivait finalement à se faire comprendre au détour de quelques mots bien placés. Et indirectement nous avons fini par apprendre quelques mots de russe, bien utiles ! Et l’absurdité de la situation nous entraîna dans d’innombrables éclats de rire !
A sa descente à Iekaterinburg, elle nous offra un dictionnaire français-russe !
Par la suite, nous aurons “presque” toujours réussi à discuter avec les voyageurs partageant le même espace. Je dis bien presque, car autant cela était facile dans la Russie plus européanisée, au fur et à mesure de l’avancée du train vers l’Asie, les visages et caractères changeaient. Les gens étaient plus taciturnes, sauvages. Cependant, échange de saucisses, thé, biscuits auront souvent été de mise. On se fera même chacun offrir en guise de porte-bonheur, une pièce de 10 rouble par une dame, dont j’ai honteusement oublié de noter son prénom.
Tout au long de ce voyage en train, j’aurai réussi à cerner quelques fragments du caractère russe: froid, simple, presque sauvage mais tellement humain. Юлия, jeune et jolie russe symbolise bien cet état d’esprit par sa sensibilité flagrante:
Nous aurons mis un peu de temps à établir un vrai dialogue avec elle (en anglais cette fois-ci), et une fois la confiance établie, avec les autres voyageurs de notre espace de vie, nous finirons par jouer au jeu de cartes le Дурак (https://fr.wikipedia.org/wiki/Dourak) qui par ailleurs signifie “imbécile” ^^
Une fois arrivés à Irkoutsk, nous avons comme le sentiment d’avoir vraiment vécu une expérience à part entière, un voyage dans le voyage en train en Russie. On nous a gentiment dit: до свидания !
D’autres voyages en train de nuit en Europe !
Le Transsibérien a inauguré une série de voyages en train en Europe au gré des destinations que je rejoignais. Ainsi, je suis allé en Écosse en train de nuit et je suis revenu depuis Lisbonne également. Hélas cette dernière ligne n’existe plus. Je n’ai pas documenté ces trajets, en revanche, voici quelques lectures complémentaires :
Quelques anecdotes sur ce voyage en train en Sibérie
- Sergueï, un russe rencontré dans l’avion de retour, m’expliquera que finalement les russes ne prennent pas tant que cela le Transsibérien. Ils ne sont pas forcément habitués à ces longs trajets, leur quotidien est bouleversée ce qui accentue ce côté taciturne.
- Pour éviter le franchissement forcé de certains passages à niveaux, il y a des sortes de “mur” originellement encastrés dans le sol, qui se lèvent. Comme cela, les voitures n’essaient même pas de passer !
- Beaucoup de rencontres, des portraits tirés mais grosse frustration: ils sont quasi tous loupés ! De toute façon, les russes rencontrés n’aimaient pas trop être pris en photo… Donc par respect, je n’ai pas forcé la main.
- Un “regret”: ne pas s’être arrêté dans les villes situées sur le Transsibérien comme Iekaterinburg ou encore Krasnoiark qui valaient le coup…Mais il y avait des choix à faire
- Le Transsibérien est un ensemble de lignes de chemin de fer. Certaines comme la BAM (https://fr.wikipedia.org/wiki/Magistrale_Ba%C3%AFkal-Amour) ou encore la IAM (https://fr.wikipedia.org/wiki/Magistrale_Amour-Iakoutie) pénètrent parmi les contrées les plus sauvages de la Sibérie et valent vraiment le coup
Récit intéressant, photos très sympa.
Je vais en tout cas m’inspirer de ce que tu fais pour me faire un petit journal de bord de mon côté 🙂 !
Très beau papier !
On sent, dans tes photos NB, que tu as bien du t’embêter avec le paysage au départ !
Par contre, question: ça marche comment les couchettes ? Compartiment ? Couloir ?
C’est pour ça que j’ai mis quasiment 3 fois la même photo avec le paysage qui change légèrement: pour montrer la monotonie ^^
Concernant les couchettes: en plastkart: c’est un dortoir de 54 personnes avec des cloisons de 6: 4 d’un côté en largeur (2 en bas et 2 en haut, une table en bas) et 2 en longueur du côté couloir avec le lit du bas qui se transforme en table. Le couloir est commun à tout le monde. Il vaut mieux être du côté du bloc de 4 pour moins subir les allées et venues dans le couloir.
En seconde classe, par contre, tu es par compartiment fermé de 4 personnes.
Paradoxalement pour sa propre sécurité, il vaut mieux être en 3ème classe qu’en seconde, car il y a plus monde à “surveiller” en cas de besoin.
En tout cas, le portrait de Юлия (comment ça se prononce ?) est loin d’être loupé ! Elle est vraiment super belle 🙂 J’adore les voyages en train (mon record : 38h en Inde !) et la vie parallèle qui s’y créé à chaque fois. Le temps passe vite en général et on arrive à destination plus vite que prévu en ayant l’impression d’avoir vécu un voyage dans le voyage, comme tu dis !
oui pour le coup, ce portrait n’est pas raté 🙂 Les autres sont floues :/ parce que j’étais trop près des gens et la mise au point de l’appareil a merdé. Je m’en suis rendu compte mais va redemander aux gens de poser à nouveau ^^ Enfin, Юлия = Yuliya = Julia 🙂
Le train c’est l’éloge de la lenteur et c’est bien retranscrit dans ton papier. Nous notre record est de seulement 14h de voyages, et c’est vrai que c’est une ambiance particulière.
Ca n’a fait que renforcé mon idée d’un jour sauter dans le Transsibérien. Tu sais comment ça se passe si justement tu veut descendre a Ekaterinbourg, y rester 2 jours et reprendre le train ? Tu gardes le même billet, tu dois reprendre un billet ?
Il y a des possibilités de prendre des billets qui te permettent de compartimenter ton voyage.
Mais le mieux est sans doute de les prendre séparément… Par exemple, pour la section Moscou – Iekaterinburg en voyageant en train “classique”, t’as plus de choix de trains, pour moins cher mais bien sur, pour plus long aussi (mais c’est moins embêtant car tu t’arrêtes après)..
C’est un peu comme si tu voulais faire Paris – Lyon: t’as le choix du TGV rapide et cher, ou alors de prendre ton temps en TER via Dijon 🙂
Je veux y retourner ! En mode estival cette fois…
J’ai adoré ton article. Merci ! Quelle ambiance !
Salut Emmanuel,
J’arrive ici en transit depuis le train lapon 🙂 Pas très difficile de me vanter les charmes du train, les longs voyages en train à travers l’Inde ont fait de moi un disciple de ce mode de transport !
Une question concernant le Transsibérien, tu avais acheté tes billets d’avance depuis la France ou sur place à Moscou ? Ça semble être pas mal moins cher à Moscou, mais reste le problème de la disponibilité. Ce n’est pas vraiment le Transsibérien que je veux prendre, mais un train Moscou-Bichkek (Kirghizstan), mais ça ne doit pas changer grand-chose à l’affaire. Je songe aussi à faire Paris-Moscou en train, mais la note est assez salée, à voir.
Nous avions effectivement acheté les billets en avance, voir les détails dans ce post: https://www.pretpourlaventure.com/russie-lenfer-du-visa-russe-et-les-informations-pratiques
Si tu as de la marge de manoeuvre au niveau du timing, t’embetes pas, achète les sur place. C’est ce que l’on aurait fait, mais nous avions un timing assez serré donc on a pas joué avec le feu et le risque de ne pas avoir de places ! C’est donc effectivement le tarif le – cher à moscou, les agences en ligne se prenant une copieuse marge ! Hésite pas à faire traduire par un russe anglophone, un document expliquant ta requete, que tu montreras au guichet !
Hésite pas à revenir !
C’est vrai que ça a l’air monotone, mais tout ceux qui l’ont fait le recommandent quand même 🙂 … Hâte d’y être !
Ah mais je le recommande vivement 🙂 c’est tout simplement l’une des expériences les plus mémorables de ma vie !
et en 3ème classe, de préférence !
Superbe récit
C’est un des mes rêves de le faire …
En attendant je m’entraine dans les trains indiens. C’est pas mal aussi pour s’immerger dans la culture indienne.
Salut !