Durant mes 3 semaines en Nouvelle-Calédonie non seulement j’ai parcouru le GR-NC1 en solitaire, j’ai également eu l’occasion de baigner dans la culture kanak, le peuple autochtone de la Nouvelle-Calédonie: sur la superbe île Lifou mais aussi au nord à Hienghène. Cet article ne se veut pas complet, car mes souvenirs commencent à dater.
Alors déjà il faut savoir les différents types de communautés vivant en Nouvelle-Calédonie:
- les kanaks qui sont historiquement les natifs de Nouvelle-Calédonie
- les européens qui sont de plusieurs provenances (caldoches, français, pieds noirs)
- les polynésiens
- les asiatiques
Cela fait un sacré beau mélange.
L’île colonisée en 1853 par les européens a ensuite entrainé une histoire houleuse et sanglante avec les kanaks jusqu’aux accords de Nouméa définissant le destin commun en 1988, visant à ce que les communautés vivent ensemble dans un même but: promouvoir la Nouvelle Calédonie. Voilà pour la parenthèse historique.
Les kanaks: accueillants mais tout n’est pas réglé
Je me suis principalement déplacé en stop et ai pu constaté de grosses différences culturelles:
- les kanaks qui se baladent en machette, cela surprend au début !
- le salut de la main et un bonjour sont indispensables pour bien se faire voir
- interdiction d’entrer dans les terrains privés, ou alors il faut demander avant de s’engager
- la visite des tribus est possible mais il faut respecter une coutume
- on évite de photographier sans demander
Enfin laissez moi raconter un épisode d’auto-stop qui aurait pu mal tourner. Une personne m’avait pourtant prévenue:
fais gaffe avec les jeunes, ça peut vite monter dans les tours
Ainsi donc, je me suis retrouvé dans un lift entouré de jeunes sous l’emprise de l’alcool et du shit.
bad timing
Heureusement le lift est de courte durée, et sous une conduite un peu énervée, le conducteur m’amène au camping tenu par sa copine, blanche de surcroît. Cependant ce dernier n’arrêtera pas de ressasser le passé, me faisant la morale sur nous les français histoire de me faire sentir coupable. J’aurai beau lui asséner que je n’y suis pour rien, son discours bouillonnant ne changera pas d’un iota. Voilà pour une parenthèse un peu chaude.
Cependant, tout n’est pas si noir. Nombreux sont les kanaks à proposer des lifts en autostop ne serait-ce que pour quelques hectomètres. En faite, les anciens ayant connu la France lors d’un service militaire ont plus de recul face aux évènements et sont plus calmes. Ils prennent la vie avec la légèreté:
- Leur voiture est à l’agonie ? Peu importe du moment qu’elle roule.
- Leur maison est détruite après un cyclone ? Pas de soucis, on en reconstruit une autre.
- Ils ont faim ? Ils vont dans la forêt chercher de quoi se nourrir.
D’autres remarques:
- comme en Métropole, le pain, les croissants se vendent aussi bien
- la pétanque est un jeu très pratiqué
- dans un bus, on attend que les portes s’ouvrent avant de se lever
- l’expression favorite: Te casse pas la tête !
- à part à Nouméa, vous n’avez pas le choix pour la nourriture dans la “brousse”. On prend ce qu’il y a plutôt que de choisir.
La difficulté de l’ingérence de la France
La France occupe toujours les fonctions régaliennes en Nouvelle-Calédonie: Défense, justice, intérieur et affaires étrangères. Or où cela se complique, c’est que le droit local vient se mettre en contradiction avec le droit français, qui bien souvent l’emporte, au détriment des kanaks.
Ainsi si un problème survient dans une tribu, ce n’est pas à la tribu de régler elle-même le problème, mais à l’Etat français par la justice.
Ceci n’est qu’un exemple de la difficulté d’associer deux cultures différentes. La Nouvelle Calédonie aura le choix de devenir indépendante lors d’un référendum qui sera organisé d’ici 2018, mais bien entendu personne n’ose politiquement se positionner, de peur de déclencher des manifestations, voire des émeutes.
Et les gens ?
Rien de mieux que quelques photographies pour cela !
“le droit local vient se mettre en contradiction avec le droit français, qui bien souvent l’emporte, au détriment des kanaks.”
Le situation contraire existe aussi, et, en ce qui concerne les femmes kanak victimes de viols ou de violences, c’est souvent le droit local qui s’applique à leur détriment…
Et dans le droit local, le violeur ne termine pas en prison, vu que la prison c’est la “justice des blancs”, au pire on lui inflige une punition physique, les clans se réconcilient par le palabre, et parfois on marie agresseur et victime, sans que la dernière y consente réellement.
Tout ça pour dire que dans certains cas, faire régler le problème par l’état français est un mal nécessaire.
Du moins jusqu’à ce que les mentalités changent en milieu coutumier, mais une coutume, par définition, c’est long à faire évoluer ^^.
La réalité calédonienne est complexe
( mais bel article, pour le reste)
Du fond du coeur, merci JB pour cet éclairage légitime et très pertinent.. Je sais qu’il y a d’autres sujets de discorde, notamment au niveau du droit du terrain (dont je n’ai pas osé aborder car je n’en savais que trop peu)…
J’aurais aimé avoir nettement plus de matière pour mettre plus de profondeur à ce papier, mais l’écrire 1 an après les faits et sur la base de souvenirs et de notes, c’est assez compliqué, même si sur le moment, cela me paraissait assez indispensable !
Et grâce à toi, ce « trou » est en partie comblé ! N’hésite pas à en dire plus 🙂
Tout le plaisir est pour moi ^^
Concernant les contentieux fonciers, tu pointes quelque chose d’effectivement assez conflictuel.
Dans la culture kanak la terre n’appartient pas à l’homme, mais l’homme appartient à la terre. On peut donc pas aliéner la terre.
Du coup, confronté au principe de propriété privée, pilier du droit français (entre autres droits, hein) ça peut faire des étincelles.
Y’a eu des spoliations qui ont été en partie réparées après les accords de Matignon puis de Nouméa, des réformes foncières engagées pour respecter les spécificités culturelles, et désormais tout un processus coutumier pour pouvoir s’établir dans les terres classées dans le domaine foncier kanak ( ça a été le cas par exemple pour l’usine de nickel en province nord).
Mais il existe encore des revendications (ça concerne aussi les revendications sur les mêmes terres par des clans concurrents. C’est le revers de la médaille au fait qu’il n’y ait pas d’acte de propriété)
Après je vais pas trop m’étendre là-dessus, ça fait quand même quelques années que j’ai quitté le caillou, suis plus trop à la page ^^…et c’est compliqué, je fais beaucoup de raccourcis, là.
C’est en tout cas un autre illustration des difficultés que peuvent représenter l’articulation de l’identité kanak avec le monde “moderne” ( qui est un monde qui baigne quand même pas mal dans la culture occidentale): pas évident de combiner développement économique et respect des traditions. (Les kanaks sont pas matérialistes, et, en tribu, vivent de peu, mais ne pas pouvoir exploiter la terre du fait des contraintes coutumières, pose parfois problème. Malgré l’importance qu’à cette coutume pour eux, hein)
Et dans le cadre du destin commun promis par l’accord de Nouméa arriver à faire cohabiter, sans léser personne, deux statuts différents pour les hommes et les terres, deux cultures très opposées (je place toutes les autres communautés calédoniennes dans le même pot, c’est pas bien mais, à quelques spécificités près, elles adoptent toutes une mode de vie occidental) et trouver des signes identitaires fédérateurs (l’histoire du drapeau) c’est pas une sinécure.
D’ailleurs faut voir les accrochages que ça suscite encore, presque 20 ans après les accords, et moins de 3 avant le prochain référendum. S’il se tient finalement.
Désolé je t’ai pondu un pavé et je pars un peu dans tous les sens….y’a tant à dire sur le sujet 😉
Tu exprimes tout à fait que j’avais ressenti là bas en discutant avec divers profils de gens: le “dossier” kanak est d’une de ces densité.. Et au final, non seulement kanak, mais des autres communautés venus s’installer: chinois, polynésiens etc…
Et une de tes dernières phrases souligne bien la question ultra sensible de l’indépendance: “D’ailleurs faut voir les accrochages que ça suscite encore, presque 20 ans après les accords, et moins de 3 avant le prochain référendum. ”
Une personne m’avait dit: si lors des débats, quelqu’un dit une phrase de travers, ça pétera de partout…
Pas simple, pas simple la Nouvelle-Calédonie !
Merci encore Jibé !
Après JB il donnent sa vision d’un point de vu exterieur a la Coutume.
Rappelons l’Algerie c’est la meme chose.
Et donc, quel est votre point de vue ?