A la fin de l’article relatant mon retour d’expérience d’un voyageur solitaire, alors que je prodiguais quelques conseils issus de ma propre expérience, j’avais écrit texto cette phrase qui pouvait en surprendre plus d’un:
Mais quand je partais, c’était jamais sans ce petit sac léger et pliable qui contenait TOUT ce qu’il ne fallait SURTOUT pas voler ! En gros, mes papiers, mon appareil photo et mes cartes SD. Le reste, servez-vous, ce n’est que du consommable !
Comme vous pouvez le constater, je vouais un amour sans limite à mon appareil photo et veillait souvent à sa présence à mes côtés.
Mon précieux !
Volatilité de la mémoire en voyage
En partant sans matériel informatique, j’avais fortement réduit les moyens de sauvegarde de mes photos. La technique utilisée fut finalement d’acheter des clés USB pour faire office d’espace de sauvegarde. En parallèle un calepin servant à la prise de notes quotidienne ne sortait jamais de son ziplock pour limiter toute trace d’humidité pouvant réduire à néant mes écrits. De temps en temps, j’allais en bibliothèque pour enregistrer mes notes dans un fichier texte pour ensuite le sauvegarder sur une clé USB, souvent en même temps que les photos. Ces clés étaient rangées dans un ziplock.
Restait donc à faire confiance à ces clés USB. De la mémoire flash, vraiment volatile. Un choc sur le sol ou même un choc micro-électrique lors de l’insertion dans un ordinateur et les données étaient perdues.
J’ai tout de même procéder à l’envoi de clés USB vers la France pour éviter de me trimballer trop de photos sur moi. Même si la réception avait été confirmée, ce n’est que lorsque j’ai pu visualiser les photos et les notes au retour que j’ai poussé un soupir de soulagement.
En effet les données brutes de la mémoire étaient là, il fallait maintenant les traiter.
Photos + Notes = mémoire ; Blog = post-traitement de la mémoire
Sous cette formule mathématique alambiquée, voici comment je peux résumer ma façon de voir les choses, du vécu sur le vif lors du voyage jusqu’à la prise de recul lors de l’écriture sur le blog.
Je jalouse mes collègues capables de réunir discipline et énergie pour tenir un blog lors d’un grand voyage. Cela confère bien des avantages (proximité évidente avec lecteurs et transmission du ressenti) mais aussi des inconvénients (manque de recul et activité chronophage). Ce ne fut pas mon option car je savais parfaitement bien que je ne pouvais et ne voulais pas prendre le temps de passer du temps sur un ordinateur, à trier, traiter les photos et rédiger.
A l’inverse de ceux ayant tenu leur blog durant leur voyage, il a fallu que je raconte tout au retour, alors qu’eux avaient la conscience tranquille du devoir de mémoire accompli.
Cela s’annonçait comme un sacré chantier et je savais bien que même si cela pouvait susciter intérêt au début, j’allais perdre le fil des lecteurs car pff, c’est un voyage qui remonte, c’est du passé. Et aussi je dois l’avouer, ça s’est ressenti dans le contenu quand il a fallu rédiger des articles sur des excursions faites 1 an et demi auparavant alors que mes souvenirs s’étaient éparpillés ! Si ce n’est carrément des articles partis à la poubelle pour manque de contenu. Les articles relatant la côte Ouest de la Tasmanie, les liens avec l’Antarctique d’Hobart et l’ancienne ville coloniale “nouvelle” de Nouméa en Nouvelle-Calédonie en ont fait les frais et d’autres ont fait l’objet de fusions de plusieurs articles.
Alors, sujet par sujet, j’ai trié et traité les 2800 photos devant accompagner les articles. En parallèle, les notes réunis en 1600 lignes d’un fichier Notepad étaient développées et mises en forme pour constituer exactement 54 articles sur le blog.
Lentement mais surement, au gré de mon emploi du temps.
Et petit à petit, en traitant les différents sujets, de nombreux souvenirs enfouis dans ma mémoire sont réapparus. Masqués par les plus forts et durables, ceux là ont fait éclosion uniquement par assemblage d’éléments tangibles: photos à l’appui accompagné de notes, impossible de passer à côté.
Écrire, traiter les photos participe aussi à l’enrichissement du voyage.
Le blog: un exercice d’abord égoïste…. mais pas que.
Il m’a fallu au final 8 mois pour traiter les photos et presque 1 an pour rédiger les articles après le retour.
Même si cela ne s’est pas vu dans le rythme de diffusion des articles -un stock d’articles en avance se chargeant de combler les périodes creuses-, j’ai pourtant bien cru à plusieurs fois lâcher prise par manque de motivation et d’intérêt, si ce n’est le syndrome de la page blanche.
“Mon voyage est fini, c’est derrière, reviens au présent” , “Très sérieusement qui va venir lire un énième blog de voyage ?”
Au final, peu importe, le plaisir d’écrire et de traiter les photos m’ont accompagné tout le long de ces mois après le retour, comme une transition vers un après différent que j’aborde d’ailleurs dans cet autopsie du voyageur. C’est avec satisfaction du devoir accompli vis à vis de moi-même que je regarde vers d’autres aventures et pas forcément dans le voyage.
Comme introduit en début d’article, ce blog symbolise les relents de ma mémoire, une forme moderne du classique album photos que je peux ressortir très facilement de manière virtuelle en un clic. Si quelqu’un de mon entourage souhaite avoir des détails sur mon voyage, je m’empresse de le rediriger vers le blog gravé dans le marbre plutôt que de lui sortir des faits potentiellement erronés. Bien sur, suite à mon expérience, je me sens légitime de prodiguer des conseils sur le tramping ou encore de lancer une ode à la nature ce que je n’aurai pas fait auparavant.
Cependant, je ne peux imaginer un blog voyage à utilité public et altruiste avec pléthore de conseils dans le but d’aider son prochain, sans vider un minimum le coffre de ses propres expériences parmi un flot massif de photographies.
Le plaisir est dans le blog
Toi, futur voyageur(euse) qui compte ouvrir un blog. Fais le en connaissance de cause. Oublie les conseils voyage, les ebooks, les multiples posts sur les RS, les voyages eco-machin-chouette, tout le monde le fait. Ne crois pas être unique, beaucoup sont passés par là et d’autres passeront après. Tu penses avoir du talent ? Fais ton truc, ouvre des portes et wait and see.
Tout ça pour quoi ?
Pour la reconnaissance. Que ceux qui se sentent visés lèvent le doigt !
J’ai un truc à vous dire: il n’y aura pas de reconnaissance.
Rien ne tombe du ciel.
Fais de ton blog un espace qui te ressemble et tu toucheras un public du même acabit. Si tu es populaire dans la vie réelle, il est probable que tu cherches à l’être tout autant via ton blog et in fine les réseaux sociaux. Si tu te fais plus discret, tu laisseras venir les gens s’intéresser à ce que tu fais. Si tu attaches une importance au style, il est probable que ton blog soit visuellement réussi. L’inverse est aussi vrai, la preuve avec le mien où je mets volontairement l’accent sur le fond derrière une forme minimaliste (ok, la police d’écriture pourrait être revue ^^). Si tu as des talents d’animateur, es photogénique, aime l’image, alors un projet vidéo te correspondra peut être bien. Quoiqu’il en soit, pour toucher un large public, il faudra faire des concessions.
En gros, je te répète le message: choisis bien ce que tu veux véhiculer au travers de ton blog. Au final, dans l’absolu on s’en fout. Le plaisir, quelque soit la forme de création avant tout, le reste après.
Déjà que ce n’est pas si facile d’avoir du plaisir.
Je trouve ton article très intéressant ! En créant notre blog, je me suis aussi posé la question du contenu, mais qu’est ce que je vais bien pouvoir écrire d’original? Tout le monde la fait, ça sert a rien… En même temps j’avais juste envie (besoin?) d’écrire ce que je ressentais à propos du voyage, les raisons pour lesquelles j’en ai besoin, puis avoir l’impression de dire a quelqu’un, à demi mot ce projet un peu fou dans lequel on s’est lancé alors qu’on a jamais vraiment beaucoup voyagé. En tout cas le voyage fais partie de moi (paradoxalement) et j’avais besoin d’un espace pour le dire. C’est maintenant chose faite et je remarque que juste j’aime écrire et j’ai envie aussi de créer d’autre chose: de faire des photos, de monter des films, pour constituer un ensemble représentatif de notre univers et à posteriori de ce que l’on aura vécu en voyage.
Enfin, je me pose la question aussi du blogging pendant le voyage et je ne sais pas non plus si j’aurais l’assiduité nécessaire à l’exercice mais quoi qu’il en soit, nous emporterons un petit ordi, qui ne me permettra pas de monter les vidéos sur place mais dans lequel je pourrais écrire des articles et les publier quand c’est possible. De cette manière, je pense garder un minimum de lien avec la blogosphère sans que ça me bouffe mon temps et j’en garderai de toute façon quand même pour le retour, au moins en ce qui concerne les vidéos !
En disant “C’est maintenant chose faite et je remarque que juste j’aime écrire et j’ai envie aussi de créer d’autre chose” tu as résumé.
Le blog est un support qui permet de laisser la créativité s’exprimer dans toutes ses variantes possibles. Et il y a moyen de bien s’amuser surtout quand tu dis que le voyage fait partie de toi et que t’as besoin d’un espace pour le dire.
Have fun !
Waouh, tu as terminé, bravo! J’écris encore sur mon tour du monde près de huit mois après le retour et malgré avoir écrit au fil du voyage… C’est certain que l’on perd des lecteurs, qui ne suivent plus vraiment ces “vieux” voyages, mais il y a des histoires que je veux vraiment raconter, pour moi ou pour eux.
J’ai fait un article récemment sur la Colombie, cela date de plus d’un an, mais je voulais raconter ces bons moments et partager cette bonne adresse. J’espère que cela sera utile.
Tu vises un public différent et plus large que moi, premièrement, et de plus tu as bien plus de notoriété et de crédibilité pour que tout article que tu rédiges soit plus “utile” que les miens.
Donc oui, continue car tu as forcément plus de chances d’être lu ce qui en retour te fait écrire et qui mécaniquement te fait être lu et ainsi de suite…
Ah oui, c’est le stress les photos en voyage. Moi aussi je voyage sans ordi. Je viens de trouver un disque dur externe avec un slot où tu introduis ta carte SD et il synchronise le tout, pratique.
Mais quand je repense à mon année sabbatique (mode vieux con ON 😉 ) où je devais traîner mes rouleaux de diapos, c’était encore plus le stress. J’avais réussi à trouver à deux occasions des Français qui avaient accepté d’en ramener en France, car hors question d’envoyer depuis l’étranger, risque de scan au rayon X 🙁 (mode vieux con OFF !)
Tout comme toi, je suis assez admiratif de ceux qui arrivent à tenir un blog tout en voyageant. C’est juste trop de boulot pour moi, et au fond, j’aime bien moi de faire ça en décaler, c’est une manière de prolonger le voyage. Mais je suis bien d’accord que pour les lecteurs, ça n’a pas le même attrait que le direct, la fameuse dictature du direct !
Quant à ta conclusion, il faudrait l’encadrer ! Nos histoires de voyage ont peut-être des airs d’unique pour nous, mais pour nous seuls !
Bon, je repars quand pour revoir tes tweets du matin quand j’arrivais au boulot. Tu ne bloguerais peut-être pas, mais tu tweetais et peu le font en fait. Bah tu vois, t’es presque unique en fait 😉
Laurent, c’est décidé, je n’écris plus d’articles, je tweete ! 10 tweets de 140 caractères pour faire passer le sujet ^^
Ca devait en effet être bien compliqué avec les peloches à l’époque d’autant que je ne suis pas certain que les voyages au long cours se faisaient beaucoup (comprendre par là, qu’il y avait moins de voyageur autour du monde) ?
Mais oui, nos histoires de voyage pour nous, dans nos souvenirs, c’est intense, c’est OUF. et quand tu les racontes, ça tombe à plat. C’est aussi ça tout l’enjeu qu’il y a à transmettre dans ce blog: faire en sorte que les histoires racontées parlent et soient re-vécues.
Bref, si tu veux voir mes tweets du matin, pars en AM centrale ou du sud. Même si ce n’est pas le kiffistan, y a de quoi t’occuper ^^
Joli article qui rejoint les raisons qui me poussent encore à écrire.
Je me suis souvent demandé si mon blog me servait à quelquechose, si je devais donner des conseils de voyage pour avoir plus d’abonnés ou si je devais tout simplement le fermer.
Il y a quelques années, j’avais ouvert mon premier blog relatant mon année au Canada et j’ai eu le malheur de le supprimer en me disant que tout ça était dernière moi. Grande erreur ! Ces émotions, expériences que l’on raconte dans chaque article sont bel et bien un “devoir de mémoire” comme tu le dis si bien. En voyage, je me sers de mon appareil photo, d’un carnet où j’y dépose mes écrits et dessins… le blog est certes un plaisir égoïste, mais il me permet de combiner les deux afin de créer un nouvel “outil du souvenir”. Alors si on peut en inspirer d’autres à vivre la belle aventure qu’est le voyage, c’est encore mieux 🙂
Alors oui continue à écrire, il y a des gens comme moi qui prennent plaisir à te lire 🙂
Tout pareil pour celui que j’avais ouvert quand je suis parti au Danemark. J’ai fini par le fermer mais ait gardé les texte dans un fichier Word en titre de souvenir !
Et merci pour cette jolie dernière phrase qui contribue effectivement à me donner envie de continuer 🙂 Et c’est bon à savoir !
Un super article qui prend tout son sens également pour moi.
Je ne suis pas pour bloguer en même temps que voyager, trop contraignant et qui me ferait sûrement passer à côté de belles rencontres. Un petit moleskine pour écrire mes impressions et un appareil photo me suffisent amplement lorsque je voyage.
Depuis mon plus jeune âge, j’ai toujours écris des récits de voyage avant même d’avoir un ordinateur et internet. Cà fait surement Vintage, mais je les tapais à la machine à écrire 🙂
Au départ, j’ai ouvert mon blog pour partager mes voyages avec ma famille et mes amis proches.
Puis des lecteurs m’ont lus et envoyés des messages touchants me remerciant de partager avec eux, mes récits, mes expériences et adresses. Mes blogs, dixit certains, ne ressemblent à aucuns autres. Quoi de plus beau comme compliment pour continuer et ne pas changer ma ligne de conduite qui est ainsi la mienne ?
Je ne cherche absolument pas la reconnaissance, ni l’envie d’avoir plus d’abonnés que les autres, mais si je peux donner l’envie à quelqu’un de partir à l’aventure ou tout simplement de visiter un pays, alors j’ai déjà gagné ma journée.
En fait, c’est un ami, venu me rendre visite quand j’habitais au Danemark qui m’avait initié à cet exercice !
Depuis ça m’est resté. Au début, quelques notes prises à la sauvage puis retranscription dans un fichier Word avant de finalement ouvrir le blog.
Et comme tu dis, quand t’as des lecteurs qui sont contents des informations que tu leur donnes et dont tu sais pertinentes (ce qui n’est pas le cas de tous les blogs), ça fait ta journée 🙂
Article fort intéressant qui me parle à l’heure actuelle. J’aime écrire, j’adore ça même, mais je me sens parfois perdue… Etre originale, j’ai bien compris que le créneau est déjà bien pris et écrire pour plaire à tout le monde n’est pas gagné non plus.
Je n’ai pas la rigueur d’écrire régulièrement et pourtant je suis partie pour un voyage au long cours. Du coup, nous avons fait le choix de nous arrêter pour mettre à jour le blog avant de repartir de plus belle.
Car finalement, je me retrouve dans tes mots, j’écris pour moi avant tout, pour laisser une trace et si ça plait et si je peux toucher quelques personnes alors tant mieux 🙂
Sinon, ce sera déjà un bel exercice et un beau souvenir.
Merci de me conforter dans mes pensées
C’était aussi le but caché de cet article: voir si d’autres personnes s’y retrouvaient 🙂
J’ai mixé en écrivant une partie sur la route (avec un retard chronologique qui s’accumulait doucement) et en continuant bien après mon retour pour boucler le récit de ce voyage au long cours – en bonus, je me suis fait voler mon ordinateur au Vietnam avec dedans toutes mes photos d’Inde et ne me reste donc de ce pays que celles publiées sur le blog alors que j’étais déjà ailleurs en Thaïlande .
En route j’ai profité pour écrire des jours de pluie intense, des transports interminables sans jamais me sentir contrainte de quoi que ce soit: le blog c’est juste ce plaisir de la formalisation, du mot juste qui va retranscrire au mieux le petit rien qui a fait la différence, pas un appel à la valorisation, c’est une envie binaire (j’ai envie d’écrire oui/non). Partir avec une autre intention (plus régulière, plus professionnelle ?) m’aurait barbouillé le bonheur.
… Et puis j’ai continué juste parce que j’aime m’assoir, faire défiler les images, fouiller les cartes, me remémorer des détails, retrouver dans l’écriture le fil et le gout des instants volatiles; et c’est super quand un autre voyageur fait savoir que cela lui a plu, lui a été utile, lui a fait envie … et c’est tout: j’aime la superfluité de mon blog, c’est ma création, ma mosaïque, je ne voyage pas pour les autres (moment misanthrope ) et préfère leur laisser le soin de leurs propres découvertes.
En conclusion, cette citation (approximative) de Moitessier – concernant le Golden Globe Challenge de 1968 qu’il a abandonné au profit de la route alors qu’il était annoncé vainqueur : “Quiconque qui partirait juste pour l’argent ou le prestige s’y casserait le cou.”.
Là tu touches le point dont je n’ai pas délibérement voulu aborder dans ce billet: l’aspect monétaire quand tu veux tirer profit du talent insufflé dans le blog.
Le truc, c’est que ça te met une contrainte, de “performance” qui vient contrecarrer la notion de bonheur, de plaisir et donc de liberté.. C’est un peu que j’ai voulu sous entendre en disant “Fais de ton blog un espace qui te ressemble et tu toucheras un public du même acabit.” et tout le § qui suit derrière.
Merci de ton intervention toujours aussi pertinente !