Il y a 1 an, de retour de voyage en France j’avais fait un bilan, à chaud, les grandes lignes de ce que j’avais vécu durant 7 mois. Histoire de lâcher ce que ma conscience gardait précieusement. Mais je ne faisais pas de bilan.

Malgré qu’il me reste quelques articles à publier, les idées et les envies se dissipent avec le temps. Néanmoins je tenais à faire ce bilan sous forme d’autopsie à date anniversaire.

Pourquoi se forcer à écrire pour écrire ? Avec des photos si possible. Avec la mémoire fraîche des faits, ressentis, vécus, c’est mieux. Seulement la mémoire est volatile, c’est un constat implacable. Mais alors que reste t-il ?

Je me souviens… avec grande nostalgie des 3 semaines passées en tant que volontaire chez une famille kiwie en rase campagne, au milieu des champs de tussocks, non loin du fameux lac Tekapo et au pied de la chaîne de montagne des Two Thumbs. Jamais je n’ai senti une telle connexion avec les éléments naturels, un sentiment d’être à ma place parmi ces grands espaces qui m’enchantèrent à chaque réveil. A mon départ d’Auckland, juste avant de prendre l’avion, la moindre pensée envers ces bouts de terre paradisiaques me valurent des sanglots. Comme si j’y laissais mon âme.
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Je me souviens… de cette “stupide” idée de descendre la côte Est à faire du stop en Australie en auto-stop pour rejoindre rapidement la Tasmanie. A vrai dire, je ne me voyais pas être dans ce pays sans faire un détour à Sydney. Partant de Gold Coast jusqu’à Melbourne, je m’étais volontairement exposé à toutes sortes d’aléas pour finalement finir avec un cerveau au bord de la saturation. Bilan: une grosse claque dans la gueule, des leçons de vie et un gros dodo pour me remettre de cela.

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Je me souviens… de ce fameux trek sur l’île Senja en Norvège, censé être “easy moderate” à suivre. Finalement c’était une micro-aventure et je n’étais point préparé à cela. De l’adrénaline des marécages spongieux au passage d’un col sous la pluie et le vent, l’engourdissement des membres du au froid avant de me jeter dans le sac de couchage pour finalement laisser place au bonheur de la vulnérabilité de l’être humain face à la nature. Une chose est sûre, je veux revivre cela. Je veux reprendre des risques.

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Je me souviens… de Paul le spiderman, d’une pizza qui se termina par une virée dans le Fiordland et au lac Wakatipu, d’une visite impromptue de Kallak, de l’ambiance tendue chez les kanaks ainsi que de l’enfer du Frenchmans Cap Track.

Je me souviens… du fermier qui m’a présenté son exploitation avec vue sur la mer, le mont Taranaki et le mont Ruapehu. Je me souviens de ces maoris qui, après m’avoir payé le repas voulaient m’inviter à dormir alors qu’il n’était que 14h. Je me souviens du sauna avec baignade à oilpé dans la rivière jouxtant la cabane. Je me souviens des premiers regards et salutations des kanaks, machettes à la main pour certains. Je me souviens de ces parties de carte avec australiens, danois, belges, américains dans la tiédeur d’un refuge.

Je me souviens… Il y en a tant. Et c’est cela qui compte.

Ces souvenirs compensent les soubresauts du retour, cette période de bipolarité entre l’exaltation du nomadisme et la lenteur de la sédentarité. Rentrer “pour de bon”, c’est matérialiser tout ce qui a été entrepris, c’est se rendre compte des richesses accumulées qui même 1 an plus tard m’animent encore.

C’est aussi faire un reboot de sa vie et de sa propre culture personnelle.

C’est de nouveau avoir un planning, des horaires à respecter alors que ça fait des mois que l’on ne regarde plus sa montre. C’est devoir se préoccuper de son apparence alors que l’on s’est trimballé avec trois tee-shirts pendant des mois. C’est virer vers le minimaliste en faisant un gros ménage dans les affaires entassés chez ses parents. Et dire qu’un tri avait déjà été fait. C’est être choqué de devoir rentrer de force dans des cases alors que l’on perçoit le monde différemment. Imaginez ma réaction lorsque quelques semaines après mon retour et en costume-cravate, on me demande à un entretien d’embauche où je me vois dans 5 ans ! C’est aussi être en recherche d’air sur les toits de son entreprise, après une journée entière de “formation”, assis à écouter des conneries que l’on ingérait sans problème auparavant.

Rentrer, c’est surtout se rendre compte que ce n’est plus pareil qu’avant.

Je suis revenu en région parisienne mais mon esprit est toujours tiraillé. Le manque des grands espaces subsiste encore. Je cherche à me créer une (autre nouvelle) place dans ce monde (très) compliqué, manquant de concret et pétri de futilités à mes yeux.

Redevenir nomade ? Tentant mais des raisons médicales rendent la chose compliquée. Non, simplement, je ne vois pas le nomadisme comme la solution et ne croyez pas que mon quotidien est noir. Je suis revenu avec la certitude que le voyage est avant tout intérieur et qu’à partir du moment où l’on quitte ses marques, ne serait ce qu’à 10 kms de chez soi, c’est du voyage. Oui, on peut être en voyage tout près de chez soi, ouvrons les yeux !

Finalement, au retour de voyage, à chacun alors de tracer sa propre voie. Que cela soit éleveur de brebis dans les steppes du Causse Méjean, nomade digital en Roumanie ou tout simplement là ou on était avant.

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