Il était une fois un pays nommé le Lesotho et surnommé le Royaume des montagnes. Ce petit pays, pas plus grand que la Belgique possède deux particularités uniques au monde: il est entièrement enclavé dans l’Afrique du Sud et son point le plus bas, à 1400m, est le plus haut au monde. Par 29°S, le pays est très montagneux et exposé à des hivers froids, vous comprenez son surnom donc. Pour un néo-savoyard que je suis, voyager au Lesotho vaut forcément le coup.

En effet, à l’échelle de la planète, rien ne prédestinait à ce que deux pauvres clampins s’y rendent. Oh, ils avaient bien une vague idée au gré des informations et photos recensées sur Internet mais pourtant, ils n’ont cessé de se répéter tout au long de ce voyage et surtout des rencontres:

Mec, je crois qu’on a encore rien vu

Les débuts furent réellement un feu d’artifice d’improvisation, une incitation au lâcher-prise total dès le premier jour en voiture, celui là même de 2016. On va où ? “Par là, suit les panneaux et regarde mon bout de carte sur le smartphone.” On dort où ? “On demandera.” On mange comment ? “On regarde ce qui est ouvert.”

La suite en fut de même: perdus au milieu de nulle part, un policier apparaît miraculeusement et nous escorte vers le centre de Maseru pour qu’on rende la voiture de location. Une autre intervention divine, celle de Bishop, un ranger qui se propose de nous avancer sur une extraordinaire Roof of Africa Road. A Thaba Tseka, c’est le tenancier de la guesthouse, qui nous promène dans le village à la rencontre des basutos et de leur mode de vie. Sans possibilité de taxi dans un village, c’est à l’usure de nos pouces qu’un pick-up nous ramassera à l’arrière parmi la poussière.

D’habitude, les touristes blancs de passage se trimballent en gros 4×4, s’arrêtent sur le bord de la route prendre quelques photos et dorment dans des luxueux lodges. Alors quand les basutos nous virent dans les taxis avec nos sacs à dos sur les genoux, c’est bien le mot fous qui venaient à leurs lèvres. A leurs interrogations sur nos motivations pour ce voyage, ma réponse fut très claire:

On est venu pour vous voir, vous.

Au Lesotho, pour rencontrer les gens, vous n’avez qu’à attendre et montrer votre peau blanche. Il m’a fallu sortir de la capitale pour laisser de côté la méfiance de l’occidental gangrenée malgré lui par les idées reçues et c’est bras ouverts que j’ai foncé dans ce bordel, ce chaos, cet anarchisme. Ce sont les basutos qui organisent votre lâcher prise et avec la grâce des bonnes étoiles ou notre adaptation permanente, tout se goupille dans le bon sens. Le hasard n’existe définitivement pas. Le timing horaire c’est pile ou face, l’estimation des distances, n’en parlons pas et les informations précises, c’est touchons du bois.

Le rapport même à une logique cartésienne est quelque peu absent: quand il est évident que l’électricité ne marche pas, nul n’est besoin de tester 10 prises électriques pour enfin nous désigner une autre chambre. Et que dire lorsqu’on franchit à pied la frontière du Lesotho au poste de Nkokoana abandonné et pourtant formellement identifié sur les cartes ? Nous serons donc de nouveau au Lesotho, à travers le parc national de Sehlabathebe illégalement (ou pas) mais rien n’empêchera notre sortie définitive du territoire par la suite.

Et pourtant, ça marche.

Tout est dans l’informel, dans la transmission orale, voire même télépathique. Les gens du coin, ils savent. Ou pas, ou peut-être. Sinon ça n’est pas grave, le monde n’a pas besoin d’être rationnel pour fonctionner. Combien de fois avons-nous vu des personnes descendant de leur village pile à temps pour attraper le taxi qui arrive à une heure hasardeuse. Combien de fois nous avons cru être seuls dans les montagnes alors qu’au loin un berger nous voyait, souvent devancé par son chien et ses moutons. Parfois même par pitié, ils voulaient nous prêter leurs chevaux basutos, notamment pour parachever la longue ascension de Thabana-Ntlenyana à 3482m. Elle scella l’abandon de notre projet initial de trek entre Sani Top à 2876m et le parc national de Sehlabathebe plus au sud pour 3 à 5 jours.

Raison invoquée ?

La plus grande sécheresse jamais connue, court depuis octobre.

Les rivières sont à sec dans le tout le pays, sauf à l’est, c’est à dire à la limite entre les plateaux et la frontière sud-africaine marquée par des vertigineux escarpements. Il est arrivé qu’on doive rationner notre eau, à en transporter 11L lors de nos déplacements au début par plus de 38°C et que l’on doive se laver au seau d’eau. Quant aux paysages, arides comme jamais, les arbres sont desséchés, la terre s’érode et les nombreux paysans se substituant par eux-mêmes et ayant besoin de cet or bleu s’inquiètent. Malgré tout, nous avons eu à passer une nuit par 5°C dans la tente et à affronter une averse de grêle lors d’une randonnée à cheval. Le climat sans cesse changeant en été, beau le matin, orageux l’après-midi, oblige à décaler les horaires d’activités entre 7h et 14h grand maximum.

Le Lesotho est assurément un pays surprenant. Malgré leur évidente pauvreté, les habitants sont accueillants, serviables et curieux. Je retiens surtout une ambiance absolument pas travestie, paisible et des paysages fantastiques en dépit de la sécheresse.

Alors, à vous d’aller voyager au Lesotho !

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