Passionnés d’activités de plein air et confiants en notre expérience (plusieurs randonnées sur 3/4 jours de mon côté et le pote Toma compte à son actif le pèlerinage de St Jacques de Compostelle et pléthores de randonnées en Nouvelle-Zélande), nous ne pouvions nous rendre au lac Baïkal, sans y trouver le moyen de faire une randonnée en Russie sur l’ile d’Olkhon.
Lors de la “préparation” du voyage et à ma grande surprise, plusieurs spots possibles se sont révélés, avec tout le panel d’informations nécessaires pour randonner en sécurité. Il faut bien le dire, autour du lac Baïkal, c’est -vraiment- sauvage comme pas possible. Parmi les choix possibles, le Circum-Baïkal, un des tronçons du Great Baïkal Trail ou encore une traversée de l’ile d’olkhon, ce que nous avons finalement choisi. La principale raison de notre choix: c’est une île pas très grande (70 kms de long et 15 kms de large), l’orientation en est donc facilitée et pour vraiment s’y perdre, il faudrait le faire exprès.
La préparation de la randonnée sur l’île d’Olkhon
Elle sera finalement rapide. Une fois acquise la carte au 1/100000ème détaillant déjà quelque peu la géographie du terrain, la rencontre de Nicolas Pernot, un photographe, guide français exilé à l’île d’Olkhon, nous donnera toutes les informations nécessaires: les points d’eau, la décomposition des étapes, les passages à ne pas manquer et quelques autres précautions à prendre et spécifiques au contexte local (feu vivement déconseillé). Nous finissons pas esquisser brièvement un tracé théorique pour 5 jours sur la carte.
C’est donc paré pour une “aventure” de 5 jours dans la steppe, les rives du lac gelé et la solitude que nous nous apprêtons à passer une bonne dernière nuit dans le confort des temps modernes.
Randonnée Île d’Olkhon, jour 1: départ décalé, mais en bonne compagnie
Comme vous pouvez le voir sur la carte ci-dessus, vous y voyez un tracé en rouge et un autre en bleu qui est celui réalisé (dessiné à la louche on dira ^^). Le rouge est celui que nous n’avons finalement pas pu réalisé car je suis tombé malade !!!! Eh oui, il faut bien quelques imprévus dans un voyage. Heureusement, ce n’était qu’une intoxication alimentaire banale, mais le repos fut obligatoire et repoussa notre périple.
Nous partons finalement le lendemain sur un parcours modifié, mais bien accompagnés, puisque un trio de copines polonaises rencontrés dans la masrutka venant d’Irkoutsk, se joignent à nous pour le début de la randonnée qui longe le lac toujours gelé ! Le ciel est d’un bleu azur et la blancheur de la glace nous aveuglerait presque !
Bavards à la sortie du village, nous nous dispersons rapidement tous les 5 dans un silence, renforcé par le mutisme des eaux toujours emprisonnés par la glace. De temps à autre, des cris de mouettes viennent troubler cette quiétude. Nous longeons la côte Ouest de l’île en filant droit vers le Sud, en toute liberté, sans suivre un seul chemin, mais bien sur limités par la glace:
L’hiver a été très rigoureux et long (il fait environ 10°C alors qu’un mois plus tôt, il faisait dans les -10°C !!), comme vous l’avez précédemment vu, la glace est loin d’avoir terminé sa fonte, notamment sur la mer intérieure (de notre côté). Un pêcheur solitaire profite donc de cette aubaine, sa voiture garée au loin au bord de la falaise:
A partir de ce promontoire, les filles nous laissent continuer. Après une heure de contemplation de la beauté du lac gelée, nos e-mails échangés et quelques mots d’au-revoir, nous reprenons notre route, toujours plein sud. Notre duo, habitué à barouder ensemble se remet en route, toujours sous ce silence bienfaisant. A partir de cet instant, les personnes croisées de près ou au loin se compteront sur les doigts d’une main. La solitude s’offre dorénavant à nous:
Les falaises de la côte Ouest sont bien faites, puisque moyennant prudence et quelques appuis surs au bord du précipice, elles dégagent des angles de vue permettant d’observer des fragments de glace venus se fracasser contre la roche:
Notre cheminement continue, la fatigue commence à se faire sentir sous le poids de nos sac à dos, nous commençons à chercher un bon terrain de bivouac. Malgré la beauté des monticules de pierre, cela ne sera pas ici:
Mais ici, non loin du cap Elgaj. Son avantage: avoir un point d’eau directement dans le lac. Il paraît proche, mais la vue est complètement trompeuse, il faut marcher pas loin de 500 mètres pour y accéder. J’y ferai plusieurs allers-retour, sans broncher (le plein d’eau, ainsi que la vaisselle). L’eau est claire, potable, mais par précaution et compte tenu des déchets résiduels laissés par les touristes venant en masse l’été ici, son traitement par Micropur est indispensable. Le désavantage de cet emplacement est d’être en plein milieu de la steppe et donc complètement exposé au vent soufflant fort, malgré des calculs savants et inutiles pour le choix de l’inclinaison de la pente.. En réalité, nous remarquerons que dès le coucher de soleil, le vent s’arrête complètement ! Nous ferons le même constat à tous les bivouacs !
Jour 2: solitude dans la steppe et un peu d’adrénaline !
Dès le réveil, le ton est donné: je suis déjà en tee-shirt à 9 heures, il n’y a pas de vent et pas un seul nuage… J’ai même chaud, et l’air sec nous prend à la gorge ce matin. La steppe, c’est bien joli, mais l’évaluation des distances est tellement faussée que le moindre point de repère se transforme en sorte de mirage, tellement nous avons l’impression de ne pas avancer. Évoluer hors piste, il faut bien le dire, c’est une autre paire de manches que de suivre un sentier bien tracé. Par exemple, sur la photo ci-dessous, nous mettrons facilement 25 minutes à arriver en haut de cette colline, qui pourtant paraît si proche ! Nous ne nous attendions pas à cela en venant en Sibérie..
Heureusement, la monotonie de la steppe est vite remplacée par la beauté rayonnante du lac glacé et des vues à l’horizon infini, dès lors que l’on se rapproche de la côte:
Non loin du cap Horgoj, quelques traces de la civilisation se font sentir: deux cabanes à priori non habitées apparaissent et donnent un peu plus de variété aux paysages:
Car après ce passage, nous bifurquerons plus dans la steppe qui subitement devient beaucoup plus vallonnée. Notre objectif est de couper le plus droit possible pour aller sur une péninsule se détachant complètement au sud de l’île d’Olkhon, finalisée par le cap Horin-Irgy. Seulement, c’est long, très long, nous avons l’impression de faire du sur place, les cols s’enchainant les uns derrière les autres. Lorsqu’une vue en hauteur nous permet de voir la péninsule ainsi que son relief escarpé, un rapide coup d’oeil à la montre nous fait réaliser que c’est mission impossible ! Nous pourrions très bien continuer sur cette voie, mais pour le bivouac, ça serait le gros coup de vent assuré car la péninsule est complètement exposée à tous les sens de vent possibles. Et l’accès à l’eau n’est pas garanti !
C’est le moment de sortir la carte pour étudier un trajet alternatif, de faire une pause et de profiter de cette solitude -vraiment- totale. Nous l’avons bien cherché !
Après re-calcul de l’itinéraire ou nous zappons cette péninsule, nous filons en suivant un cap à la boussole et au soleil vers le sud-est, pour chercher de l’eau. Nous finissons par entrevoir le point repéré à proximité d’une ferme:
Et c’est là qu’intervient le coup d’adrénaline de la journée: Toma aperçoit deux chiens venant à vive allure à notre encontre. Très vite, il me passe un bâton permettant d’effectuer ce qu’on peut appeler de la “défense préventive” au cas où les chiens seraient vraiment menaçants. Nous commençons à nous écarter du tracé direct vers la ferme pour finir par trouver un terrain d’entente avec ces chiens aboyant sans cesse à quelques mètres de nous. Pas vraiment de peur, mais il faut mobiliser toute sa vigilence au cas où. Une fois sortis de leur territoire de surveillance, nous pouvons reprendre une marche plus tranquille, non sans surveiller nos arrières:
Et malheureusement encore, le seul contact humain de la journée s’avère être un échec cuisant. Le fermier ne veut pas qu’on prenne de l’eau dans le lac “chez lui”. Il nous dit d’aller ailleurs. Les chiens reviennent parfois nous aboyer dessus. Nous pourrions en chercher ailleurs, mais c’est loin et cela nous éloigne du plan de parcours idéal. C’est avec un coup sur la tête que nous remontons au Nord en plein milieu de la steppe et avec heureusement une réserve suffisante en eau pour tenir jusqu’à demain midi, en se restreignant un peu (pas de thé ^^). Le bivouac est ensoleillé au milieu de -vraiment- nulle part:
Jour 3: C’est bien de couper, mais dans la forêt, ça n’aide pas à trouver le point !
La nuit a été froide, pour preuve, l’eau contenu dans un bidon a commencé à geler:
Nous avons tout deux très bien dormi avec le matériel adapté à ces conditions (voir le sac de couchage dans la liste à la fin), il fallait juste bien serrer la collerette pour empêcher l’air froid de pénétrer dans le sac de couchage ainsi que de serrer la capuche autour de la tête. Mais une fois le soleil levé, les températures remontent très vite, la doudoune n’est même pas indispensable ce matin !
Nous reprenons la route, avec comme priorité, de trouver de l’eau. Pour cela, retour sur nos pas, en direction de la côte Ouest. Si nous avions pu prendre de l’eau hier soir, nous serions restés dans les terres !
La glace toujours en cours de fonte laisse entrevoir de nombreuses palettes de couleurs et de variétés de forme:
Après le ravitaillement en eau, nous passons à proximité de la ferme Semi Sosen (abandonnée ?) et filons plein Est dans la pente régulière de la steppe
Nous garderons ce cap un long moment, car nous avons en point de mire, un lac dans la forêt pour le bivouac du soir. La steppe est toujours omniprésente, nous sommes habitués et évaluons maintenant bien les distances par rapport à un point fixe. Approcher cet arbuste isolé n’est pas un parcours du combattant, mais pas non plus une promenade de santé, tant le terrain est varié et nous impose ses formes, si minuscules qu’elles soient. Des petits fossés se forment ici et là et il faut sans cesse brasser la végétation si sèche:
Nous évoluons maintenant en hauteur, sans visibilité sur la côte Ouest de l’île. Afin de faire le point sur notre position, il n’est pas rare que nous devions monter juste un tout petit peu. A un point culminant, la côte Est de l’île est même visible. Cependant, le temps se dégrade, hors de question pour nous de changer de plan:
Avant de plonger dans la forêt, nous faisons des petits détours totalement en hors piste, au gré des arbres plantés ici et là et de l’inclinaison de la pente. Cela nous épargne la montée d’un col, et nous propose une belle vue sur la côte Ouest de nouveau présente:
Après ce cheminement de “renard des steppes” et un coup d’oeil à la carte pour être certain de notre route, nous filons à travers la forêt à la recherche de ce fameux lac. Seulement, nous le trouverons pas. En faite, il fallait prendre comme point de repère une autre route, que bien entendu, nous ne voyons pas de là ou nous étions ! Nous avons beau avoir cru être malin en coupant, mais le problème de la carte imprécise est quand même bien tordu.
Rebelote comme hier, nous avons gardé suffisamment d’eau pour un bivouac dans la taïga.
Jour 4: le vent de face, ça décorne !
Comme tous les autres soirs, le vent s’est calmé à la tombée de la nuit et il a fait froid ! Le soleil est complètement revenu.
Nous faisons demi-tour et repassons devant les mêmes lieux qu’hier jusqu’à la descente du col nous ramenant vers Jalga:
L’isolement du village est palpable.. Seuls deux enfants jouent comme si de rien n’était et après demande, une femme nous servira de l’eau. J’ai vraiment hésité à prendre les enfants rieurs en photo, mais comme d’habitude, mon humilité me pousse à les laisser tranquilles.
Nous revenons maintenant sur les pas du premier jour, peu de variations, si ce n’est que des chevaux s’approcheront et nous observeront. Ils respirent vraiment la liberté, un peu comme nous après ces 4 journées en pleine nature:
Nous remontons plein Nord vers Khuzir et devons faire face à un vent de Nord puissant et froid. Coupe-vent serré et fermé à fond, gants, bandana sont obligatoires. Néanmoins, je remarque que la fonte de la glace est nettement plus entamé que 3 jours auparavant. Un bruit de ruissellement de l’eau est nettement perceptible en tendant l’oreille:
C’est fatigués et heureux que nous revenons à Khuzir, après ces 4 jours de randonnée pas de tout repos. Notre hôte Olga nous accueillera chaleureusement, et retrouvons avec plaisir la chambre laissée vacante quelques jours plus tôt !
Le lendemain, Olga nous a préparé un bon bania (en slip ^^) comme il se faut, afin de repartir totalement neuf !
Le Bilan de cette randonnée
Clairement, cela reste le souvenir le plus marquant du séjour (le Transsibérien n’est pas loin derrière ^^). Grâce à la lenteur imposée par nos pieds, nos esprits ont eu le temps de s’imprégner de l’atmosphère et des paysages. Nous avons pu observé un tas de choses qu’il n’aurait pas été possible de faire en faisant des “excursions” comme il est de coutume sur l’île d’Olkhon. Je garderai toujours en mémoire ces paysages de steppe aride, dur, sauvage ainsi que la glace du lac Baïkal invariablement figée. Sur le parcours dessiné à la louche sur google maps, nous avons marché environ 80 kilomètres durant ces 4 jours, ce n’est pas très sportif mais nous n’étions pas là pour ça, mais bien pour contempler et profiter. D’autant que le terrain parfois sablonneux et rude de la steppe ne facilite pas les choses. Le gros regret si je puis dire est de ne pas avoir pu faire la traversée intégrale à cause de cette foutue intoxication alimentaire, car les paysages du nord de l’île semblaient réellement extraordinaires. Mais ce que j’en ai vu m’a bien comblé !
Nous sommes fiers d’avoir pu monter cette “exploration” par nos propres moyens et en toute autonomie en partant de peu d’informations. L’aide reçue a été très bénéfique. Maintenant, je souhaite faire un retour d’expérience pour vous aider aussi à monter des randonnées de ce même genre par vos propres moyens.
Maintenant, parlons des commodités: tout se trouve à Irkoutsk (gaz, supermarché et la cartographie).
La carte
La voici: son échelle est de 1/100000ème. Elle n’est pas hyper précise, notamment si vous cherchez à aller en forêt, néanmoins, nous avons toujours réussi à estimer notre position. Elle est disponible à l’achat à Irkoutsk (voir carte ci dessus), ou à Litsvianka ou encore chez la pension Nikita à Olkhon.
Le contenu du sac à dos
Épuré de certains éléments inutiles laissés chez Olga (vêtements de rechange, électronique), voici son contenu avec quelques détails. Je vous mets également un lien vers une autre liste de sac à dos randonnée.
La nourriture
Comme de façon classique dans une randonnée itinérante, nous avons choisi les éléments les plus secs possibles et en fonction de ce que l’on a pu trouver à Irkoutsk. Un supermarché complet est présenté sur la carte ci-dessus. Globalement les items étaient les suivants (chocolat, fruits secs, oligo-éléments, nouilles, soupes, biscuits sec, tuc, miel):
Nous avons complété avec de la saucisse, du fromage et du pain achetés sur Olkhon.
Respect.
J’aurais voulu être ton pass navigo pour le coup 🙂
(mais non j’ai pas retenu que ça ! Magnifique, franchement. Merci pour la liste aussi)
Hello!
Superbe ces paysages 🙂
Je prévois d’aller au lac Baikal début avril et y voir le lac encore gelé. Les températures sont-elles viables sous tente à cette période? Quand vous y êtes vous rendu? Des conseils à me donner?
À bientôt,
Pierre
Bonjour !
Début avril en tente me paraît très juste si vous n’avez pas d’experience du grand froid et de la neige (il en restera).
Il fait encore facilement -15/-20 à cette période de l’année qui précède l’amorce du printemps.
Nous y etions début Mai et nous avions littérallement lancé la saison du camping et certaines nuits étaient encore froides (-2/-3) il faut quoiqu’il en soit un très bon équipement.
En esperant vous avoir éclairé.
Merci pour la réponse, je ferai en conséquence.
Un reportage photos extraordinaires avec ds images magnifiques, paysages uniques. Merci vraiment de vous faire découvrir cette contrée et de quelle manière, chapeau.
Les paysages sont superbes ! Merci pour la découverte du lieu !
Un magnifique périple! Et les chevaux en liberté, ça n´a pas de prix 🙂
Bonjour super reportage, j’y suis revenu car j’ai énormément marché sur Khoujir en juillet 2014, Au nord jusqu’au goulag et au sud jusqu’à Tachkoï mais en revenant à Xoujir à chaque fois!Aller encore plus au sud parait hallucinant…jusqu’à l’embarcadère….