Lorsque j’avais pris des renseignements sur Internet pour faire une randonnée sur l’île Senja et en effectuer sa traversée sur le “Senja på langs” tous les signaux étaient au vert pour que cela soit une simple formalité.

Peu de dénivelé, du paysage varié, de quoi camper, 100 kms à effectuer en 4/5 jours et une difficulté technique “modérée” selon cette trace GPS du site Wikiloc.

Mais à l’époque, encore pas tout à fait aguerri et expérimenté en trek, ce fut tout de même une sacrée paire de manches. En effet, vous le verrez dans le récit, le sentier “Senja på langs” est peu parcouru, le marquage est minimaliste, le balisage parfois chaotique à suivre, le terrain très humide et la tente, obligatoire ! Je ne l’ai donc pas parcouru en entier par manque de temps.

Une bien belle micro-aventure, surtout en solitaire. Pour des “warriors” de la randonnée, l’île Senja serait une vraie promenade ! Pour une autre randonnée, plus longue mais avec des cabanes pour abri, je vous conseille ce trek méconnu en Norvège sur l’ile d’Hinnøya.

Jour 1: Une randonnée sur l’île Senja, ça commençait bien !

En ce lundi de septembre, il fait beau mais les hôtes norvégiens de Stonglandseidet sur l’ile Senja m’avertiront que cela ne va pas durer: de la pluie est annoncée pour le lendemain. Dag m’emmène gentiment au départ du sentier à Olaheimen. Après des adieux, des conseils de prudence, tel un père protecteur inquiet de ce que je vais entreprendre, il me laisse seul face à la nature.

Face à cette anxiété, je lui sors ma panoplie sécurité: carte détaillée, boussole et l’arme ultime “sécurité”, la trace chargée sur le GPS !

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Le sentier commence en forêt et est facile à suivre. Cela ne va pas durer ! Avant que les choses sérieuses ne commencent avec une première montée, le sentier longe ce lac. Les premiers marécages font leur apparition et ils seront incessants jusqu’à temps que je sois vraiment sur les hauteurs.

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Une fois sur les hauteurs, les affaires se corsent sérieusement. Il devient difficile d’identifier clairement le sentier, ni le balisage. Mon instinct n’est pas encore assez affuté pour deviner la direction à suivre. Les pauses “coup d’oeil à la carte” sont très nombreuses. L’idée de partir complètement en hors-piste à la boussole/carte en suivant le terrain me vient à l’esprit mais je n’ai pas suffisamment d’expérience pour prendre ce risque, sans compter le fait d’être seul. Il me faut donc, coûte que coûte rester le plus possible sur la trace. Je finis par allumer le GPS, bien que je n’aime pas trop cette idée d’assistance. Mais à force de tourner en rond, de galérer à la recherche d’un coup de peinture rouge sur un rocher, cela devenait nécessaire:

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Néanmoins, les paysages sont fantastiques en cet après-midi. Le relief est clairement montagneux et l’ensemble formé par les roches, la toundra et les lacs donnent un air de paradis à ces lieux:

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Le GPS à la main donne un fil conducteur, évoluant en hors-piste le temps de retrouver la trace de manière éphémère. Selon la nature du terrain, le balisage devient plus facile à suivre notamment en plaine après un col. Mais dès que j’aborde des éboulis, des up and dows ou encore des forêts, le balisage est de nouveau très difficile à repérer. Ce n’est plus la peine de rêver à un sentier confortable, il s’agit vraiment de cross-country la plupart du temps.

La prudence est au maximum, avec clairement la conscience de prendre des risques et qu’en cas de pépin, cela sera pour ma gueule. Néanmoins, je m’estime compétent en ces lieux et cela permet d’engranger de l’expérience. 17 kms pour 8 heures de marche et ce sans bâtons, cela donne une moyenne assez basse, signe que le terrain est difficile à suivre. Je finis par poser la tente à un endroit pas trop mal placé, au sol tout de même humide et avec une rivière proche pour prendre de l’eau.

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Jour 2: un bon coup d’adrénaline et ça passe !

Le ciel est nuageux ce matin, signe précurseur d’une dégradation de la météo. Les couleurs de l’automne se révèlent clairement depuis le lieu de bivouac:

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Pas la peine comme hier de galérer, j’utilise directement le GPS pour m’orienter, même si l’acuité visuelle s’améliore. Naturellement, je devine plus facilement la direction du sentier. Le GPS deviendra moins utile par la suite, d’autant que l’évolution sur les hauteurs permet de bien voir l’horizon:

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Une pause bien méritée me permet de profiter de ces belles vues. Néanmoins, un coup d’oeil à la carte m’indique que la suite s’annonce nettement plus ardue puisque je vais redescendre en vallée, puis longer plusieurs lacs.

Qu’est ce que cela veut dire ? Plein de marécages ! Hum ! Et ça ne loupe pas !

Et contrairement en Laponie suédoise, pas de caillebotis ici, on met les pieds dans le plat. Évidemment, les chaussures finissent par devenir gorgées d’eau.

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Pire que cela, le terrain devient complètement spongieux en permanence. Je dois même traverser ma première vraie rivière. Assez large, mais heureusement peu profonde, à hauteur de genoux pour un courant pas très fort ! Ensuite, ce n’est même plus la peine de rêver à un sentier, il s’agit juste de sauter comme on peut dans la végétation dans son état la plus brute ! Une machette ne serait pas inutile à certains endroits ! J’hésite presque à longer les lacs directement les pieds dans l’eau, le long des berges.

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Peu après la pause déjeuner ayant donné lieu à la photo ci-dessus, je croise les seules personnes durant ce trek. Les premières depuis plus de 24 heures. Mutuellement surpris par nos présences et aussi déboussolés que moi, c’est un couple franco-finlandais. Nos observations se rejoignent:

Le terrain est pourri !

La fille rajoute:

On perd tout le temps le tracé, on est sorti totalement en hors-piste et on a failli “se tuer” plusieurs fois !

Ils n’ont qu’une carte et une boussole, ce qui rajoute beaucoup à la complexité navigationnelle alors que grâce au GPS, outil moderne, je peux avancer plus vite et prendre moins de risques qu’ils n’en ont pris. Même si cela ôte quelque peu le sentiment d’immersion et de vulnérabilité face à la nature.

On se quitte en se souhaitant bonne chance et c’est peu après que la météo décide de jouer son va-tout. Des gros nuages arrivent, alors que j’amorce la montée d’un col en dessous du Mont Instind, dans le parc national Ånderdalen. Dommage, car ce col était le highlight de cette traversée.

Tant pis.

La pluie finit par arriver avec du vent. Hors de question de prendre des photos, je range l’appareil dans un dry-bag pour le garder au sec dans le sac à dos. La montée n’est pas très difficile, le balisage devient évident à suivre, mais la descente du col est annoncée comme raide et avec la pluie, potentiellement glissante.

Au sommet, la vue est complètement bouchée, la pluie plutôt froide. Je m’arrête juste le temps de faire le plein d’énergie en chocolat et biscuits.

A l’attaque de la descente, je marcherai effectivement de nombreuses minutes sur des dalles de pierre remplies de mousses glissantes. La stratégie est de soigneusement choisir une bonne trajectoire pour contourner les mousses. Dalle par dalle. Finalement, après avoir rejoint la vallée près d’une route sans peine et fatigué après 23 kms et plus de 9h30 de marche, pas d’autre choix que de bivouaquer près d’une route. Complètement mouillé, je me jette dans le sac de couchage, une fois la tente montée pour me sécher. La nuit sera humide mais très reposante. Une excellente expérience !

Jour 3: fini les conneries !

Ce matin, en regardant la carte, je réalise qu’atteindre l’objectif fixé dans les temps impartis sera difficile. La lente progression m’a fait prendre du “retard” et le retour est dans quelques jours à Paris. Sans compter que le terrain risque d’être aussi chaotique, au regard des nombreux lacs à longer. Je décide donc de changer de plan et de m’arrêter à Senjabu aujourd’hui. Il me reste néanmoins à peu près 17 kms pour y être et de nombreuses heures seront nécessaires pour y arriver ! Sur un sentier facile, il faut 4h30 pour la même distance.

La matinée est très humide, un crachin s’installe.

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Le GPS devient maintenant inutile. Mes sens se sont affûtés et repérer d’un coup d’oeil le balisage devient facile:

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J’évolue ce matin entre différentes vallées sauvages, lacs et quelques forêts. Je me sens pleinement vivant dans cette nature vidée des hommes et après 48 heures de marche, évoluer dans ce cadre m’est devenu familier. Affronter le terrain inviolé finit même par m’amuser. Je préfère prendre des risques, calculés toutefois, que de vivre une vie qui me paraît bien de trop confortable. Au final, la vraie liberté, c’est de savoir prendre des risques, les deux sont intimement liés. Nous évoluons dans un monde tellement sécurisé que la nature, par défaut, nous fait peur alors que nous sommes des simples animaux.

La prudence reste tout de même de mise.

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Senjabu n’est plus très loin. Le terrain reste le même: du cross-country avec des petites rivières à enjamber, des marécages à contourner. Finalement, malgré le temps maussade, une récompense m’attend: une magnifique vue sur un fjord donnant sur la mer. La dernière pause avant de redescendre en vallée donnant sur une route et mettre fin à ce trek:

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Quelques infos pour une randonnée sur l’île Senja

Cet excellent fichier PDF résume très bien les possibilités de randonnée, notamment le sentier “Senja på langs“.

Les habitués des randonnées assez aventureuses se contenteront d’une boussole et de cette carte topographique achetée à Tromsø: “turkart senja målestokk 1:75000 midt-troms friluftsråd”. Le site de l’éditeur: Mesterkart

Sinon, sur Wikiloc, une trace GPS allant de Skrollsvik à Lysnes est disponible si vous voulez partiellement emprunter le sentier: trace GPS

Des sites de campement sont entreposés avec quelques shelters et abris, bois parfois fournis mais la tente/tarp reste indispensable. L’eau n’est absolument pas un problème, il y en a partout.

Enfin l’accès, hors voiture de location est peu évident, vous pouvez compter sur les bus fonctionnant en été ou alors vous y rendre en stop.

Je fournis également une liste pour le sac à dos de randonnée, à vous de l’adapter en conséquence, elle est valable pour les contrées nordiques.

EDIT:

Suite à une suggestion en commentaire de zerzer (merci encore), vous pouvez aussi trouver des géo portails norvégiens pour préparer vos randonnées:

  • Atlas.no
  • Ut.no/kart nettement plus complet qui vous indique les huttes du DNT et une topographie assez fine.

Vous trouverez la zone consacrée à l’île de Senja sur ce lien: Senja