Un lundi soir, Chambéry, France

Le contrat s’est terminé.

Il aurait pu continuer mais j’ai préféré ne pas aller plus loin.

En choisissant d’arrêter ce travail qui ne me convenait pas, la porte de la liberté s’est grande ouverte en lieu et place de la facilité. Il est plus difficile de prendre des risques financièrement et être libre plutôt que d’être garanti financièrement mais coincé dans une “routine” potentiellement subie.

Un samedi, sur la route de Sahagun, Espagne

Un vent de face terrible m’accompagne cet après-midi vers Sahagun. Durant ces longues lignes droites de la morne meseta désertique ou tout incite à une longue méditation, le vent n’a cesse de me rappeler qui est le plus fort.

Je déteste la sensation de frustration, d’impuissance, de désarmement mais je suis bien obligé de composer avec.

Un dimanche soir, Ponte Das Tres Entradas, Portugal

C’est tôt dans l’après-midi que j’arrive dans ce camping qui ne m’inspire que l’humidité de la rivière proche et la pénombre due à la vallée encaissée. La journée de vélo a été courte, sportive, dangereuse, froide. Il est temps de se reposer, le moral vacille.

Je me sens seul. Très seul. Inutile de passer des coups de fil à répétition, c’est la présence physique qui manque. Une méditation et le ressenti de la solitude s’estompe paisiblement.

Un lundi soir, Castelnau-Montratier, France

Mon hôte Warm Showers raconte une de ses passionnantes histoires de vélo. Notamment lors de son voyage vers Moscou. Avec ses deux acolytes, il se retrouva hébergé par une famille russe, qui, tellement contente d’héberger des étrangers organisa une fête.

Ce déluge de chaleur humaine a bouleversé les trois cyclotouristes qui en sont repartis la larme à l’oeil.

Un vendredi après-midi, Sintra, Portugal

J’arrive à l’office de tourisme, le lieu de rendez-vous convenu avec mes amis pour les retrouver. Ils se présentent, un large sourire et me complimentent sur la “performance”. Y arriver n’était qu’évidence mais je savoure cette chaleur de proches retrouvées. Rejoindre mon ami à Lisbonne était mon objectif.

Point.

Un samedi, Sahagun, Espagne

Depuis la N120, je prends la première sortie pour Sahagun. Sous un pont, je m’effondre. Vidé physiquement et mentalement, quelques larmes sortent du corps. Lors du dernier faux plat descendant, j’ai pédalé avec un développement utilisé pour les montées, toujours impuissant face au vent.

Quelques minutes plus tard, cette sensation s’envole. De sérieuses conversations en français ont lieu. Le cerveau redémarre, le mode reptilien se met en veille.

Un vendredi soir, Cognin, France

Quelqu’un prononce ces mots:

Après la découverte vient la sidération

Le voile masquant le déni s’est levé, les tiroirs sont définitivement vidés, le lâcher prise est définitif.

Désormais seule la liberté comptera.

Aujourd’hui, Chambéry, France

Le besoin d’amour, d’amitié, de chaleur humaine, les émotions positives et négatives ne sont qu’une forme de sensation. Modulable à souhait par des exercices sur l’esprit. Je comprends ce que vivent les pèlerins de Saint Jacques de Compostelle, de plus en ayant eu la chance de les côtoyer de près et de loin. C’était aussi ce que j’étais venu chercher par ce voyage à vélo.

Maintenant, je compte accueillir toutes ces formes de sensation sans attente. En soit, une grande amplitude pour un meilleur équilibre.

Je suis désormais accro au vélo. C’est la forme la plus aboutie de liberté et le meilleur compromis voyagistique que je connaisse. Repartir est une évidence et le mode de vie conventionnel s’éloigne encore plus.

Corse ? Slovénie ? Maroc ? Italie ?

Canada ?

Mongolie ?

L.I.B.R.E.