A l’arrivée au village de Ha Sehlabathebe (Moreneng) après deux fabuleuses petites journées de randonnée dans le parc national Sehlabathebe au Lesotho, tout commence par la rencontre de rangers. Évidemment, en bons blancs-becs honnêtes que nous sommes, nous annonçons être partis de Bushman’s Nek en Afrique du Sud, avoir traversé la frontière sans poste clairement identifié et s’être perdu avoir campé dans le parc.

En voyant leurs réactions, nous venons en quelques secondes de hacker leur horizon, eux qui n’avaient probablement jamais rencontré cette situation ubuesque et pour mieux comprendre, tentent de la résumer:

You entered in Lesotho through Nkonkoana Gate and you illegally camped in the park ? This might be a problem ! Crazy guys.

Et là, éclats de rire !

Se pose alors la question de comment sortir du Lesotho, alors que l’on est entré illégalement (ou plutôt sans tampon d’entrée lors de notre randonnée). Avant de dévoiler -suspens- l’issue de cette impasse, venons-en aux faits, comment en sommes-nous arrivés là ?

L’Afrique du Sud et soudain le no man’s land

Si vous avez suivi nos mésaventures relatées au col Sani la semaine dernière, Bushman’s Nek est finalement notre plan C pour parvenir au parc national Sehlabathebe. Cette fois-ci, il s’agit de remonter le plateau depuis l’Afrique du sud en suivant un sentier de contrebandiers, clairement identifié sur les cartes de touristes. L’après-midi pluvieux de repos au camping de Silverstreams Caravan Park a été très salvateur pour réparer nos organismes usés des précédents jours.

Le poste frontière sud-africain n’est situé qu’à quelques hectomètres du camping.

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7h15 le lendemain, malgré que la frontière voit peu de passages ce n’est pas moins de 4 voitures d’officiers qui sont garés. Alors que le douanier sud-africain prend son temps à tamponner les passeports, à notre question de la distance avec le poste frontière du Lesotho, celui-ci sème le doute:

There is no border office in Lesotho

Quoi ? Haha, trop drôle.

Doute dissipé par la certitude des cartes qui indiquent toutes le poste frontière. En avant toute pour le no man’s land. Où est-on ? Ni en Afrique du Sud, ni au Lesotho ! Nous croisons juste quelques basutos se rendant en Afrique du Sud, pour eux se lever aux aurores et aligner 30 km pour traverser une frontière n’est juste que pure banalité.

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Figurez vous que sur une bande étroite de quelques kilomètres nous pouvons librement circuler sans contraintes et sans tampons officiels sur le passeport. En effet, comme à Sani Pass, la distance entre les postes frontières est d’au moins 10 km. Envolée, toute cette paperasse bonne à nous enfermer dans des enclos. Si l’on regarde bien les cartes topographiques, il y a bien d’autres moyens de circuler en dehors des postes frontières dans les deux pays.

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Allégés, nous profitons des paysages majestueux pour marcher -enfin- d’un bon rythme, la forme revenue. Les sommets de plus de 3000m du massif du Drakensberg en imposent vraiment et forment une véritable barrière naturelle face aux nuages qui s’amoncellent. Au sud de ces montagnes je distingue notre objectif du jour, le plateau du parc national de Sehlabathebe au loin, toujours sous un ciel bleu.

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Retour au Lesotho en Mongolie

Après être partis de 1700m environ, nous arrivons enfin sur la verdure du plateau situé à 2400m. Et là, j’ai crié:

MONGOLIE, MONGOLIE, MONGOLIE !!!!!!!

Mon rêve de gamin de 6 ans, émerveillé par les images d’un documentaire projeté dans une salle obscure de Nantes un samedi soir, est enfin exaucé. Je me crois complètement en MONGOLIE. Presque tout y est: les chevaux ne sont pas bien loin, les douces collines jettent des ombres sur la steppe se mesurant à l’infini et il ne manque plus que les yourtes bien évidemment.

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Dans ce décor de rêve, nous devons reprendre nos esprits avec comme point de repère ce fameux poste frontière. Nous voyons bien des bâtiments blancs abandonnés qui correspondraient en tout point à ce poste frontière selon la carte mais nous n’en croyons pas nos yeux: de poste frontière, il n’y a plus. Même le barbelé coupé ne nous empêchera de passer. Déconcerté par ce spectacle, nous comprenons aussi que nous sommes illégalement au Lesotho. Il faudra donc régulariser la situation une fois arrivée en ville.

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Le plateau est bien vert, la liberté est totale et l’animal qui se cachait en moi, renait. Inutile de vous décrire un itinéraire, il est complètement incohérent, un coup tout droit, un coup sur un sentier, un coup sur la crête et un coup direct dans la pente descendante et raide. Nous observons qu’une rivière coule avec un bon flux, enfin de l’eau semble présente par ici. La perspective de se diriger vers la cascade Tsoelikane afin d’y passer l’après-midi et d’y planter la tente à proximité nous enchante.

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Ah l’eau, qu’elle fait plaisir à voir couler, à l’entendre, elle qui a terriblement manqué jusqu’à présent. J’en profiterai pour me rafraîchir les pieds, gambader pieds nus avant de m’amuser à grimper dans des grottes aux points de vue magnifiques, mais encore une fois, plus de batterie ! Alors que j’avais martelé avant le voyage que les températures ne seraient jamais fraîches, la nuit nous réservera la surprise d’être très fraiche: 5°C dans la tente. Toutes les combines ont du être utilisées, y compris couvertures de survie pour résister au froid avec des sacs de couchage sommaires.

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Le lendemain, le décor de rêve est toujours le même: je ne veux pas le quitter, je me sens si bien ici, comme chez moi.

Ici, l’animal libre s’exprime, contemple, ressent les choses différemment et ne veut pas retourner en cage. Mais il le doit. La civilisation l’a dompté. Pour combien de temps encore ?

Nous suivons un sentier dont nous devinons aisément qu’il emmène au village de Ha Sehlabathebe et après quelques cols escaladés, c’est sous une jolie vue que l’on a notre destination finale en ligne de mire.

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La suite de l’histoire ? Vous la connaissez déjà ! Ou presque.

Finalement, pas d’amende pour le camping dans le parc (pour être transparent, nous avons montré nos déchets) et la sortie du territoire se fera sans problème malgré une mise en garde ultérieure sur des éventuels problèmes. Je pense que si nous étions entré sans visa aurait été nettement plus problématique, or nous l’avions déjà, seul manquait le tampon d’entrée.
Pour en savoir plus sur ce trek

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En savoir plus sur cette randonnée au Lesotho

Comme vous avez pu le lire précédemment, il y a pléthore de possibilités de randonnée vers Thabana-Ntlenyana, sommet du Lesotho. Notre projet initial était de rallier Sani Top au Lesotho au parc national de Sehlabathebe, ce qui est tout à fait possible en 4 jours environ ET si l’eau est présente dans les rivières. Il faut compter que l’évolution est en hors piste, qu’il est nécessaire d’être expérimenté en navigation, en gestion de la météo et des risques. Sans compter tout l’attirail de bivouac. Les locaux vous diront d’y aller à dos de cheval basuto !

Un autre itinéraire plus “soft” est possible en partant aussi de Sani Pass mais côté sud-africain pour arpenter le Giant’s Cup Trail se terminant à Bushman Nek et ensuite faire exactement le même itinéraire que présenté dans cet article. Là aussi, comptez sur 4 à 6 jours de marche.

Vous pourrez vous charger en nourriture au Plug&Play de Maseru fournissant globalement le nécessaire en nourriture sèche de bivouac.

Étant donné que les champs d’évolution sont du domaine de l’infini, les cartes topographiques que vous pouvez vous procurer sont les suivantes:

  • Drakensberg Hiking Maps N°5 et N°6, éditées par Ezemvelo/KZ-N Wildlife au 1/50000 d’excellentes qualité, mais difficilement trouvables au Lesotho
  • Le bureau “Lands, Surveys, and Physical Planning” au centre-ville de Maseru édite des cartes topographiques au 1/50000 de bonne qualité mais avec des données datant des années 80, nous avons pris les sections 38, 39, 48, 49 et 58 pour 250LSL le tout.

Pour randonner et voyager au Lesotho, il faut oublier le privilège du confort occidental!

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