Commençons cet article sur les “voyages à la con” par cette citation:

On nait seul, on vit seul et on meurt seul. C’est seulement à travers l’amour et l’amitié que l’on peut créer l’illusion momentanée que nous ne sommes pas seuls. – Orson Wells

Pourquoi j’insiste sur cette notion de solitude ? Parce qu’on l’est tous, seuls. Et qu’il suffit de claques dans la gueule pour s’en rendre compte.

Quand vous partez en voyage au long cours, vous laissez de côté votre famille, vos amis, vos potes, vos connaissances et collègues. Mais la situation stable de votre entourage, dont leur petite vie continue a vite fait de vous faire sortir de leurs radars alors que vous, instable tout au long de votre voyage, vous vous raccrochez aux souvenirs et liens établis pour vous garder un cadre. Une phrase anodine sortie par un ami un soir vous revient en pleine gueule au moment de raccrocher un Skype, vos moments d’amour avec votre ex vous reviennent parfois avec douleur quand vous cherchez des bras réconfortants et un coup de fil de votre mère vous rappelle les règles de prudence. Alors bien sur, de nos jours, tout rend plus facile la chose pour moins se faire oublier: Facebook, Skype, téléphone pas cher à l’autre bout du monde, etc…

Mais, allez, disons le haut et fort: ceci n’est que pacotille pour vous ôter cette illusion de solitude.

N’avez vous pas ressenti cette vague impression au retour, en essayant de raconter votre voyage aux gens (amis, famille, pote, collègues) ? Enfin, ceux qui vous ont gardé dans leur radar. Ce sentiment de décalage que même après la multitude de détails racontées, ils n’ont au final pas retenu grand chose. Pourquoi ?

Parce qu’ils ne l’ont pas vécu. Il n’y a que vous qui l’avez vécu. Et ceux qui l’ont vécu avec vous aussi.

A mon retour de Nouvelle-Zélande, je savais très bien à quoi m’attendre et cela s’est avéré à peu près juste. Quelques exemples: un ami d’enfance a râlé sur son travail tout le long de notre repas sans s’intéresser une seconde à mon vécu. Mes retrouvailles familiales au sens large ont tourné autour des mêmes sujets de conservation qu’avant mon départ. Mon voyage de 7 mois, intense, puissant ? Paf, tout juste résumé en quelques questions ! Et enfin, une pote qui croyait avoir suivi me parlait de Patagonie alors que je me trouvais à +15heures de décalage de là

Avec d’autres amis, cela s’est plutôt distillé dans le temps, en racontant des anecdotes par ci et là. Mais cela ne fait pas tout, passionnés de voyage ou pas, ces mêmes amis et cette famille ont été là dans les moments durs.

Malgré toute leur écoute je voyais dans les yeux qu’ils ne pouvaient pas comprendre puisqu’ils n’y étaient pas. Et cela n’est pas de leur faute. Tout comme je pensai comprendre des gens ayant fait un “gros” truc marquant pour eux en les écoutant et les interrogeant. Et j’ai compris que finalement, eux aussi devaient se sentir seuls face à des personnes ne l’ayant pas vécu.

C’est en tentant de cette manière là, de gérer et d’évacuer les émotions vécues que la solitude nous fait face et que l’on prend conscience de ce que l’on est vraiment.

D’une poussière dans l’univers.

Il n’y a qu’avec des personnes ayant voyagé, suffisamment à l’écoute, compréhensifs que le dialogue a pu se faire dans mon cas. Deux amies ont été en Tasmanie, ainsi qu’un pote en Nouvelle-Zélande et par la suite j’ai rencontré plusieurs voyageurs sur leur retour. Échanger avec eux a été un vrai bonheur. J’ai aussi repris contact avec les gens qui m’ont hébergé, quand parfois la nostalgie se faisait forte (grosses pensées à Burkes Pass).

Désormais, je ne cherche même plus à trop en parler dans la vraie vie. Juste quelques détails et that’s it. Quasiment personne n’a entendu parlé de mon voyage en Finlande de cet été, dans mon entourage réel, écrire sur le blog et traiter mes photos ont été mes seuls moyens d’expression. C’est naturellement que j’indique cette direction à tous les gens pourtant intéressés par mes voyages (au passage, coucou à eux) ainsi que les moyens de suivi (RSS, mail, réseaux sociaux).

Malgré tout, les réseaux sociaux qui se démultiplient dans tous les sens sans que j’arrive à trouver une justification de leur utilisation contribuent au renforcement de cette solitude. Non seulement lors d’un voyage, nous avons besoin d’évacuer, mais aussi de nos jours, il y a une certaine pression malgré nous, pour s’afficher. On va poster régulièrement sur son profil FB perso, sur sa page, sur instagram, sur twitter, sur google+ et j’en passe. La liste est interminable pour montrer son existence et entre autre chercher la validation des autres. Cela mérite des nuances mais ce n’est pas le propos.

Que l’on ne vienne pas me dire le contraire: oui la visibilité amène potentiellement à flatter l’égo mais peut être tout aussi destructrice car une dépendance obsessionnelle vis à vis de soi en est facilitée. Vous l’aurez remarqué, il y a profusion de blogs florissant jour après jour et transformant petit à petit le simple acte de l’écriture gratuite vers un outil marketing prêt à céder aux sirènes des partenariats aux lignes parfois floues. Noyé dans la masse est encore plus le simple petit blog qui juste parle de “voyage” passion.

Alors à quoi cela rime désormais d’écrire en public quand en plus, une certaine lassitude arrive après près d’un an d’écriture continu ? Pourtant, le plaisir est là mais ça ne fait pas tout.

Les gens n’en ont rien à faire de vos “voyages à la con”. Parfois malgré eux. Et ce n’est pas de leur faute. Ne leur en voulez pas.