Il était une fois une adresse, située dans la banlieue chic de Copenhague et signifiant littéralement voie de la Reine. Bon nombre de personnes peu habituées à cet assemblage de lettres écrivaient mal cette adresse lorsqu’il s’agissait de m’envoyer des lettres:
Dronningensvej 22
2000 Frederiksberg
Danemark
Cette adresse abritait une communauté européenne en volontariat européen SVE ou d’autres arrivés ici par bouche à oreille comme c’était mon cas. Agne, Martina, Jérôme, Csilla, Zbigniew, Tizianna et Felipe la seule exception, en provenance de Colombie. Une vraie auberge espagnole. Elle a aussi vu passer des allemands, norvégiennes, autrichiennes, argentins, moldaves, serbes à défaut de danois. Peu importe au final.
Cette adresse était pour beaucoup de ses habitants la découverte d’une vie en société, loin de leurs racines. Certains partageaient une chambre tandis que j’en avais une, exigüe. Il y a eu le #ChocolatGate qui cristallisa des tensions durant quelques temps. Il y a eu de fortes personnalités et d’autres plus en retrait qui cherchaient de l’air. Certains ont pu, rebondir après un échec sportif, digérer une année de harcèlement scolaire ou fuir les impossibilités des pays anciennement soviétiques. Il y a eu des couples qui se sont formés peut-être pour longtemps et des bonnes amitiés qui se sont scindées une fois loin des autres. Il y a eu des soirées en petit comité sans prise de tête autour d’une bouffe, vin, bières, clopes et bedo pour les plus acharnés. Il y a eu le visionnage de Shining, le film épouvante de Stanley Kubrick qui m’aura fait raté une nuit de sommeil. Il y a eu les virées au VEGA, THE club/salle de concert de Copenhague où j’ai dilapidé un paquet de pognon en pintes de bières, Tuborg ou Carlsberg au choix. Et enfin, il y a eu The Moose, le bar roots de la capitale aux pintes pas chères et aux danoises pimpantes.
Cette adresse, un samedi matin de bonne heure, a vu arriver un français de vingt piges avec sa grosse valise. Quelques mois plus tard, toujours avec sa grosse valise cette fois plus difficile à fermer, il est reparti chez lui en se promettant de revenir.
Ce qui fut fait 10 ans plus tard.
Cette adresse, elle se retrouve instinctivement après avoir arpenté les rues à vélo tant de fois depuis le centre-ville de Copenhague. Suivre Gammel Kongevej puis Smallegade tout droit jusqu’à ce que la rue prenne le nom de Peter Bangs Vej. Puis tourner à gauche sur Søndre Fasanvej et la première à droite.
Hélas, cette adresse n’existe plus. Le panneau, arraché par les travaux est au sol et la maison rayée de la carte. A la place, un bâtiment neuf d’une couleur douteuse et portant le numéro 24.
10 ans en ruines.
Les souvenirs associés à quelques photos de l’époque valent bien plus qu’un assemblage physique de briques rouges entourées de ciment. Malgré qu’elle n’existe plus physiquement, Dronningensvej 22 – 2000 Frederiksberg reste dans les esprits pour l’éternité.